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réflexion
Coups de pied dans la galère


Les religions et toutes les bonnes civilisations du monde enseignent l’amour du prochain. Or, le monde est aujourd’hui un océan  de misère, d’injustice et d’oppressions. Face à cela, que faisons-nous de notre fameux «amour du prochain» ? Je le dirai. Je proposerai aussi un principe concret pour aider ceux qui veulent quitter l’étape théorique et hypocrite de « l’amour du prochain », pour le genre d’actions concrètes qui soulageront l’humanité et même leur propre conscience.

Le fameux « amour du prochain »

Il se distingue aujourd’hui par une présence massive du bout des lèvres et est parfois formulé avec une rhétorique haut de gamme.

          Les seigneurs et les saigneurs de toutes religions l’évoquent, l’enseignent sans craindre ceux qui les observent. Ces observateurs qui savent que la pratique quotidienne de nos rhétoriciens n’a rien à voir avec ce qu’ils enseignent.

          L’ « amour du prochain » est dans la société où tout le monde est donneur de leçons d’amour, mais en ayant les yeux fermés, bandés et cadencés face à la souffrance physique et morale côtoyée à chaque instant.

          Il est prononcé par les gouvernements qui se font passer pour des distributeurs de bonheur pour le peuple, alors qu’en réalité, ils ne luttent que pour leurs poches et pour la multiplication de leur électorat aux prochaines élections.

          Même la famille qui devrait être le dernier rempart, le sanctuaire de notre sécurité ne l’est plus. Des actes de désamour, d’insensibilité à la souffrance de la sœur, du père, de la mère, de l’enfant s’y déroulent de façon incroyable.

          J’ai vu sur internet une image avec un homme tombé dans un trou profond. Quelqu’un est venu l’aider à sortir du trou. Et savez-vous ce qu’a fait ce « sauveur » ? Eh bien, il s’est penché sur le trou et a tendu la main à la personne qu’il voulait sauver. Il n’a utilisé ni l’échelle, ni la corde solide qu’il avait pourtant à côté de lui. Il dira qu’il a essayé de sauver le pauvre gars et qu’il a échoué. Voilà comment certains font semblant de vous aider, avec le cœur débordant de cynisme, d’hypocrisie et de sadisme.

        

Coups de pied

Pourquoi pied ? Parce que la galère est notre ennemi à tous. Elle ne mérite pas notre coup de poing. Elle ne mérite que notre pied qui est à la fois fort et symbolise le mépris.

          Enfin, la galère elle-même, c’est quoi ? Ce n’est pas forcément l’impécuniosité (manque d’argent). C’est toute situation de souffrance humaine (manque d’argent, de santé, de démocratie, de liberté, de paix, de dignité, de nourriture, d’eau, etc.)

          Si nous sommes témoins de souffrances humaines, ne comptons sur personne. N’attendons pas les foules de sauveurs. Ne comptons que sur nous-même. Lançons notre réflexion à une vitesse de mille kilomètres à l’heure et agissons de façon chirurgicale contre la tête et le cœur de la galère, histoire de l’atteindre mortellement.

Ici, je ne ferai plus de théorie. Je donnerai deux exemples très sûrs avec des dates, car j’ai été impliqué dans ces cas :

Le premier exemple, je l’avais déjà cité dans une autre réflexion. Le voici.

A l’an 2000 ou 2001 je vivais dans une maison à Cotonou. Un jour, mon voisin qui était un coiffeur a amené du village, un jeune garçon, enfant d’autrui âgé de 12 ou 13 ans qui devait rester avec lui. Vous comprenez certainement que je ne dise pas son nom.

            Cet enfant qui croyait trouver un paradis à Cotonou a très tôt compris que c’étaient plutôt les portes de l’enfer qui s’ouvraient grandement devant lui, puisqu’il était sauvagement battu tous les jours pour des fautes mineures. Parfois, il n’y avait même aucune faute. Conséquence, moins de deux semaines après son arrivée, il s’évada de la maison au grand soulagement de nous les autres habitants de la maison qui étions aussi des parents et qui avions pitié de ce gamin qui pouvait bien être notre propre enfant.

            Mais trois jour plus tard, quelle ne fut pas ma surprise de voir cet enfant errer à la grande gare ferroviaire de Cotonou ? Il était affamé, ses vêtements étaient très sales et ses cheveux ébouriffés. Il m’aborda et m’avoua qu’il n’avait pas les moyens de payer le voyage pour rejoindre ses parents dans un village proche de Bohicon dont je tais le nom, raison pour laquelle il errait dans la ville depuis. Je laissai mon épouse à la gare et pris le jeune garçon sur ma moto. Je l’emmenai à la gare routière de Missèbo où je lui donnai de l’argent pour manger et voyager. Par précaution, je relevai bien sûr le nom du chauffeur et le numéro de la voiture.

            Quand je retournai à la maison avec mon épouse, nous avons constaté que depuis tout ce temps, nos voisins ne recherchaient même pas l’enfant fugueur. Le coiffeur continuait tranquillement son travail et son épouse vaquait à ses affaires commerciales.

Plusieurs années après cet évènement, l’enfant retrouva mes traces. Il était devenu entre-temps un informaticien. Il me dit que j’étais son sauveur. Je lui répondis aussitôt que seul Dieu sauvait les êtres humains. C’est Dieu en effet qui m’avait mis sur son chemin, pas pour le sauver mais pour l’aider simplement à sortir de sa situation difficile du moment, car les problèmes de la vie continueront toujours tant que nous vivrons.

            Je ne donne donc pas cet exemple vrai et vérifiable pour dire que je suis un messie. Loin s’en faut. Je veux tout simplement montrer qu’au lieu de passer tout notre temps à critiquer le mal autour de nous, nous devons maintenant agir, poser des actes concrets et courageux qui combattent et limitent la galère des autres.

            Le deuxième exemple est très récent (2019) et connu de beaucoup de personnes. Il s’agit du cas d’une veuve dont le mari avait une voiture, des maisons, un moulin, une moto, etc. Malheureusement, le monsieur est mort en 2014. Très vite, les charognards, précisément le fils aîné du défunt a vendu tous les biens, laissant la pauvre veuve et ses enfants dans la misère la plus noire. En tant que notable du coin, j’appris la nouvelle. La famille n’avait pas la simple nourriture, les enfants n’étaient pas scolarisés, il n’y avait même pas la simple natte pour se coucher, et tout le monde dormait par terre, etc.

Le jour où je suis allé constater ça de mes yeux, j’ai oublié mes propres problèmes et, comme je vous l’ai conseillé, j’ai lancé mon cerveau à mille kilomètres à l’heure.

Première action : il était plus de vingt et une heures, mais je suis allé au marché de Pahou acheter suffisamment à manger pour la famille pendant quelques jours.

Deuxième action : j’ai lancé une sensibilisation et une demande de secours sur WhatsApp qui m’a permis, au bout du compte, d’obtenir pour la famille, de l’argent, des vêtements, des vivres et même des prières et bénédictions sur place.

          Grâce à ces actions, les enfants ne se couchent plus par terre, ils ne vivent plus dans l’obscurité, ils sont scolarisés, ils ne marchent plus nus, etc.

          Certes, les aides se sont arrêtées de la part des donateurs car ils ne vont pas assister la famille tout le temps. Mais le cerveau continue de tourner pour la défense des droits de cette famille et pour la recherche des solutions durables, à mettre en œuvre pour l’indépendance du foyer. C’est un défi, et je n’ai pas peur des défis soutenus par le Seigneur.

          Ces coups de pied dans la galère doivent se multiplier dans tous les domaines où se ressent la détresse humaine.         

Les vertus du bienfait

De façon prosaïque, nous disons sans y croire que le bienfait n’est jamais perdu. En réalité, cette vérité est plus spirituelle que philosophique ou intellectuelle. En effet, s’il y a au moins quelque chose de concret sur laquelle nous nous entendons, c’est qu’on ne récolte que ce qu’on a semé.

          Ainsi pensez-vous un instant que celui qui semé le mal récoltera du bien ?       

Pensez-vous que la terre ment ? La terre ne ment pas, la nature non plus. Et je vais plus loin dans spiritualité du bienfait. Je dis que celui qui a fait le mal a encore une chance à se rattraper : qu’il fasse beaucoup de biens autour de lui et sans désemparer, ni chercher aucune gloire ou récompense pour ça. S’il le fait bien, il sera éligible à ce que j’appelle la compensation karmique, c’est-à-dire l’indulgence du créateur, ou de la nature qui pardonne certaines choses entièrement ou partiellement réparées par d’autres actes positifs.

          Moi personnellement, aucun vendeur d’illusions ne palpe mon argent. Mon gris-gris contre mes péchés en tant qu’être humain, ce sont mes actes incessants de coups de pied dans la galère. Je sais ce que ça me coûte. Je sais quels risques je prends parfois en le faisant, mais je m’en fous.

          Je n’en parle pas pour prétendre que je suis un bon monsieur ou un héros. Absolument pas. J’en parle seulement pour montrer que cela est possible, même entre citoyens anonymes comme nous. Nous n’avons pas besoin d’avoir la réputation de mère Theresa ou de l’Abbé Pierre pour faire le devoir humain dans le petit coin qui est le nôtre.

          Je termine par la conclusion suivante : la galère, ça n’arrive pas qu’aux autres. Semez des fleurs dans les cœurs en détresse et réussissez la bravoure de faire sourire les visages en larmes.

          Quant à votre cas personnel, je sais que vous ferez ce que vous pourrez. Le reste, laissez-le à Dieu.



Denis AVIMADJESSI
 
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