Vendredi 10 décembre 2021, s’est tenu à la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet) à Porto-Novo, le procès de l’opposante Réckya Madougou poursuivie pour financement du terrorisme. Après plusieurs heures de débats judiciaires houleux, la cour de céans a condamné la mise en cause à 20 ans de réclusion criminelle et à une amende de 50 millions de Fcfa. Ses co-accusés ont été également condamnés à des peines d’emprisonnement et à des amendes à payer.
Financement du terrorisme ; Acte de terrorisme ; Associations de malfaiteurs et enfin Abus de fonction. Tels sont les chefs d’accusation pour lesquels, l’opposante et la candidate recalée à l’élection présidentielle d’avril 2021, Réckya Madougou et ses quatre autres co-accusés à savoir Ibrahim Mama Touré, Zimé Georges Sacca, Tidjani Bio Dramane et Amadou Mama Bio ont comparu à la Criet ce vendredi 10 décembre 2021. L’audience a été présidée par le magistrat Guillaume Laly. Le ministère public est représenté par le Procureur spécial, Mario Mètonou. Les mis en cause qui sont tous des responsables du parti politique "Les démocrates" ont été défendus par les avocats Antoine Vey, Nadine Dossou Sakponou, Robert Dossou, Renaud Agbodjo et Victorin Fadé,
A l’ouverture de cette audience, Me Renaud Agbadjo a demandé que les députés Rachidi Gbadamassi, Nazaire Sado, Mama Sanni et le ministre Modeste Kérékou puissent comparaître en tant que témoins dans la procédure. Mais le procureur spécial, Mario Mètonou s’est opposé à cette demande de la défense. Il cite l’article 288 du code procédure pénale pour dire que le procès doit se poursuivre sans la présence de ces personnes. Ayant constaté que le ministère public n’a pas cité ces témoins à comparaître de même que la défense, le président de céans Guillaume Laly a demandé la lecture de la décision de la Commission d’inscription de la Criet qui renvoie Reckya Madougou et ses co-accusés devant la chambre de jugement de la Criet, laquelle décision permet la tenu procès. Selon l’accusation, a indiqué le juge, l’ex-colonel Ibrahim Mama Touré aurait été financé par la candidate Reckya Madougou pour recruter des personnes du Togo voisin pour un projet d’assassinat à Parakou. Ce projet viserait à assassiner deux personnalités de la cité des Koburu. Il s’agit du député Rachidi Gbadamassi et l’ancien maire de la ville de Parakou, Charles Toko. Il devrait permettre de remettre en cause le processus électoral et permettre à Réckya Madougou dont la candidature à la présidentielle a été rejetée de revenir dans le processus.
A la barre, aucun des accusés n’a reconnu les faits mis à sa charge. On retient des déclarations des uns et des autres qu’un tel projet d’assassinat qui coûterait des millions de Fcfa n’a jamais existé. Certains ont même affirmé qu’ils ne connaissent même pas l’opposante Réckya Madougou pour avoir quelque projet avec elle. Ils ont également affirmé qu’ils ne savent même pas qu’il y aurait de l’argent prévu et qui proviendrait de Réckya Madougou. Faisant sa déposition, l’accusée principale Réckya Madougou a expliqué que les 15 millions envoyés à Georges Saka étaient destinés à faire la mobilisation des militants et l’organisation de sa campagne électorale dans le cadre de la présidentielle 2021. « Il y a plus de 09 mois que je suis couverte de crasse parce-que je osé me porter candidate à l’élection présidentielle », a-t-elle ajouté. Rejetant d’emblée les faits mis à sa charge, l’opposante a déclaré que Charles Toko a été la première personne à rigoler dans cette affaire. « Charles Toko a été mal choisi dans cette affaire. Il est la personnalité dont je suis la plus proche dans le régime de la rupture. J’échangeais avec Charles Toko jusqu’à mon arrestation. Il me taquinait même sur ma candidature. Je ne sais pas pourquoi je vais l’assassiner », a-t-elle martelé. Aussi soutient-elle, sa candidature n’a pas été décidée sur un coup de tête. « J’étais sûre d’avoir le parrainage. Jusqu’à la veille de mon dépôt de candidature, j’échangeais avec le Président Talon », a-t-elle ajouté. S’agissant de l’assassinat de l’He Gbadamassi, la mise en cause a répondu à ces termes : « Le dossier dit que j’ai voulu assassiner le député Rachidi Gbadamassi. J’ai besoin de Gbadamassi vivant, pour qu’il me rembourse mes sous, pour qu’il me donne de l’argent. Je le veux vivant Monsieur le président », a-t-elle laissé entendre. Par ailleurs, l’opposante Madougou a précisé à la cour qu’elle a été victime d’un kidnapping. « J’ai été kidnappée et mon téléphone a été mis sous scellé. Plus tard, j’ai revu mon téléphone et je ne le reconnaissais plus. Lorsque les données ont été extraites de mon téléphone, je n’étais pas présente et le contradictoire n’a pas été faite », a-t-elle déploré.
Dans son réquisitoire, le ministère public représenté par le Procureur spécial, Mario Mètonou a d’entrée de jeu rappelé les faits. En effet, l’élection présidentielle d’avril 2021 a été marquée par des actes de vandalisme et d’agression d’une violence particulière dirigés contre les forces de l’ordre dans maintes régions du Bénin. Ces actes de violence ont occasionné des pertes en vies humaines et plusieurs blessés dans le rang des forces de défense et de sécurité déployées sur le terrain justement pour les empêcher. Déjà quelques mois avant le scrutin, des renseignements persistants ont fait état de ce qu’une série d’actes de terreur susceptible de porter gravement atteinte à la paix et visant le sabotage du processus électoral en cours était planifiée par certains leaders politiques. C’est dans ce contexte que, Zimé Georges Sacca l’un des plus proches collaborateurs de madame Réckya Madougou ainsi qu’il l’a déclaré lui-même, est entré en contact avec le colonel Ibrahim Mama Touré pour, dit-il, lui confier une mission très sensible et importante. Cette mission prévue pour se dérouler en plusieurs étapes devait commencer par une atteinte à l’intégrité physique d’une autorité influente de la ville de Parakou où il réside. La mission devait ensuite se poursuivre par l’élimination d’une seconde autorité politique à l’occasion des obsèques de la première victime. Le but de ces manœuvres n’est rien d’autre que de provoquer la terreur, le chaos et d’amener le gouvernement à suspendre le processus électoral déjà engagé. Le colonel Ibrahim Mama Touré accepte la mission, se met en devoir de la planifier, d’identifier les ressources matérielle et humaine pour son exécution. Puis, ensemble avec Zimé Georges Sacca, ils en définissent les modalités pratiques avant de s’accorder sur le coût des opérations. Sur cette base, Zimé Georges Sacca élabore à son tour un budget qu’il soumet à dame Réckya Madougou qui accepte de mettre à sa disposition la somme de 15 000 000 de FCFA qu’elle fait acheminer à destination de Parakou à son collaborateur par le truchement d’émissaires spéciaux mis en route depuis Cotonou.
Le vendredi 26 février 2021 peu avant 11 heures, après avoir invité le colonel Ibrahim Mama Touré à son domicile, Zimé Georges Sacca lui remet les fonds en mains propres. Les deux individus sont sur ces entre-faits interpellés par la Police Républicaine. A l’enquête préliminaire, le colonel Ibrahim Mama Touré qui a déclaré avoir été chargé de l’exécution de la mission confiée par Zimé Georges Sacca, a affirmé que la somme retrouvée sur lui avait été envoyée par madame Réckya Madougou. Cette dernière se fait aider par les nommés Dramane Tidjani Bio et Amadou Tidjani Mama Bio. Pour sa part, le nommé Mohamed Gbassire Monra, agent de la Police républicaine détaché au peloton de Surveillance et d’Intervention du Borgou a entrepris d’assurer l’impunité de leurs actes aux leaders politiques de sa connaissance dont notamment les membres du parti politique républicain ‘’Les démocrates’’ en leur fournissant, en temps réel, par le biais d’Alidou Sérogbassi, un cadre politique actif, des informations de première main relatives aux mesures d’enquête projetées par la police. C’est ainsi qu’au moyen de son téléphone portable, il entretenait son correspondant de divers appels. Inculpé d’abus de fonction, Mohamed Gbassiré Monra a reconnu les faits mis à sa charge à toutes les étapes de la procédure avant de les nier à la barre, a indiqué la magistrat Mètonou. Quant aux cinq autres, inculpés respectivement d’association de malfaiteurs et d’actes de terrorisme pour les quatre premiers et de financement du terrorisme pour Réckya Madougou, ils se sont rétractés.
Poursuivant son réquisitoire, le magistrat Mètonou a examiné le cas de chaque inculpé à la lumière des dispositions légales qui fixent les éléments constitutifs des infractions retenues par la commission d’instruction. Selon ses propos, tous les actes renseignent sur la personnalité des accusés et leurs antécédents judiciaires : le bulletin N° 1 du casier judiciaire, l’enquête de moralité ainsi que l’expertise médico psychologique et psychiatrique. L’article 375 1er alinéa du code pénal punit l’abus de fonction d’une peine d’emprisonnement de cinq ans à dix ans et d’une amende d’au moins deux millions Fcfa. L’article 166 du code pénal indique-t-il, punit l’acte de terrorisme de la réclusion criminelle à perpétuité. L’article 451 punit de la réclusion criminelle à temps de dix ans à vingt ans toute personne coupable d’association de malfaiteurs. L’article 119 de la loi N° 2018-17 du 25 juillet 2018 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme punit le financement du terrorisme d’une peine d’emprisonnement de dix ans au moins et d’une amende égale au moins au quintuple de la valeur des biens sur lesquels ont porté les opérations de financement. C’est au bénéfice de toutes ces observations qu’il requiert qu’il plaise à la cour de déclarer coupable d’abus de fonction Mohamed Gbassiré M et de le condamner à sept ans d’emprisonnement ferme et à deux millions de Fcfa d’amende ferme ; de déclarer coupables d’actes de terrorisme et d’association de malfaiteurs les nommés Ibrahim Mama Touré, Zimé Georges Sacca, Tidjani Bio Dramane et Amadou Tidjani Mama Bio et également de les condamner à 20 ans de réclusion criminelle/ Le procureur spécial près la Criet a enfin demandé à la cour de céans de requalifier les faits reprochés à Réckya Madougou en complicité d’actes de terrorisme ; de la déclarer coupable de complicité d’actes de terrorisme et de la condamner à 20 ans de réclusion criminelle et à 75 millions d’amendes.
Dans son verdict, la cour de céans présidé par le magistrat Guillaume Laly a acquitté au bénéfice du doute Mama Bio Tidjani. Quant à Réckya Madougou et Ibrahim Mama Touré, Zimé Georges Sacca, Tidjani Bio Dramane, ils ont été condamnés à 20 de réclusion criminelle et à 50 millions d’amendes. A noter également que la cour de céans a fait droit à la demande du ministère public en requalifiant les faits de financement du terrorisme en complicité d’acte de terrorisme pour Réckya Madougou.
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