J'ai beaucoup de respect pour le clergé. Ce sont des personnes qui ont librement décidé de sacrifier leur vie pour oeuvrer à l'amour du prochain et au salut de notre âme. Si nous laissons même de côté l'aspect religieux des choses, reconnaissons que des gens qui osent parler d'amour du prochain dans le monde d'aujourd'hui sont tout simplement des héros. Qu'ils ne se disent donc pas que les réflexions que je fais de temps en temps sur la foi, la magie, la sorcellerie, et autres sujets païens sont pour ébranler leur foi et les pousser à l'irréparable. Fort heureusement, le Seigneur ne m'a donné ni cette capacité, ni cette intention. Dans cette logique, je vous parle justement d'un archevêque qui est allé à ce que j'appelle « l'irréparable ». C'est une affaire de 2001, mais qui mérite encore réflexion.
Qui est-il et qu'a-t-il fait ?
Emmanuel Milingo est né le 13 juin 1930 en Zambie. Il a étudié à l'école presbytérienne St. Mary à Chipata (Zambie), puis a assisté aux séminaires de Kasina et de Kachebere. Il a été ordonné prêtre en 1958, et fut affecté à la paroisse de Chipata de 1963 à 1966, où il fonda la Zambia Helpers Society. Nommé évêque de l'archidiocèse de Lusaka alors qu'il n'avait que 39 ans, il le restera de 1969 à 1983.
Lui-même complète ici sa propre présentation : « En tant qu'enfant gardant les chèvres dans mon Afrique natale, Dieu m'appela à son service et m'entraîna dans le sein de notre église catholique. Je l'ai servie avec sincérité, et tendu à aimer Dieu en aimant mes contemporains.
En 1974, Dieu m'a offert un cadeau et m'a chargé, comme le Seigneur avait chargé ses disciples de guérir les malades, chasser les démons et prêcher l'évangile (Luc 9 ; 2). J'ai offert ce cadeau à mon Eglise, ainsi qu'à ses fidèles. Beaucoup de personnes y ont répondu chaleureusement, recevant ce cadeau spirituel de Dieu. Mais mon Eglise l'a rejeté et a fait de son mieux pour me bâillonner.
Ce n'était pas seulement moi qui fus attaqué. Mais lorsque nous, Africains tentons d'exprimer notre amour pour Jésus à travers nos propres moyens culturels, juste comme les Européens l'ont fait à travers les leurs, les leaders de l'Eglise n'ont plus eu confiance en moi. Rome a été incapable de concevoir que ces cadeaux spirituels que recevaient ces jeunes églises africaines provenaient réellement de Dieu. Ils m'ont appelé « sorcier guérisseur» et ont qualifié l'engouement des personnes à mon égard de « vodoun ». J'étais scandalisé par ces fausses accusations. J'ai été exilé à Rome. Ils ont eu peur que je sois source de troubles en Afrique. Ils étaient sûrs que je voulais devenir le messie africain. »
Il fut donc exilé à Rome. Mais même là-bas, il reprit ses activités d'exorcisme et de guérison et dut affronter cette fois-ci la colère de l'Eglise italienne. Il reçut des sanctions qui l'isolèrent encore de tout. Il avoua à ce sujet qu'il ne lui restait qu'à retourner dans son village.
Je ne sais pas si c'est pour briser son isolement, mais il trouva comme argument, de nombreuses citations bibliques favorables au mariage. Avec cet arsenal et les « méfaits connus » du célibat des prêtres, il se maria le 27 mai 2001, à l'âge de 71 ans, à Washington avec la Coréenne Maria SUNG (43 ans). Cela s'est passé sous le patronage du Révérend Moon, avec grand renfort de publicité. Vous imaginez la colère de l'Eglise catholique ainsi humiliée !
Sommé de renoncer immédiatement à ce mariage et à ses relations avec le Révérend Moon, Milingo se rendit au Vatican avec son épouse. Très vite abandonnée, celle-ci raconte : « mon mari a disparu et c'est quelqu'un d'autre qui vient me parler en son nom : Monsieur Maurizio Bisantis. Il dit que mon mari veut me quitter et retourner à l'Eglise catholique. Mais mon mari n'a jamais abandonné sa foi catholique ! Monsieur Bisantis affirma que mon mari ferait une grande déclaration hier, mais mon mari n'apparut jamais. Maintenant, Monsieur Bisantis dit qu'il sera en retraite pour quinze à 20 jours. Mais mon mari ne disparaitra jamais sans rien me dire. Je ne crois pas à Monsieur Bisantis. Je veux voir mon mari. Mon mari veut me voir. Pourquoi ne me disent-ils pas où il est ? Pourquoi ne me laissent-ils pas le voir ? »
C'était donc une semaine qu'elle venait de passer sans voir son « mari ». Alors sa décision est radicale, elle menaça de commencer une grève de la faim. Et ce n'était pas une vaine menace. Elle commença effectivement la grève de la faim. Au 16ème jour de cette grève, elle put rencontrer son « mari » à l'hôtel Arcangelo à Rome. C'était pour se séparer et se dire adieu, car l'archevêque Milingo avait été récupéré par l'Eglise catholique.
Maria Sung déclara que l'archevêque lui avait donné un rosaire. Elle promit de toujours le soutenir dans ses prières et espère qu'ils se réuniraient dans l'au-delà.
Ouf ! Affaire terminée ? Stop et fin ?
Mais non ! Voici la suite de ce feuilleton que je vous livre après mes recherches personnelles :
« Emmanuel Milingo a quitté Maria Sung en août 2001 et s'est réconcilié avec l'Église catholique romaine. Il est, par la suite, revenu en couple avec Maria Sung. Auparavant, il avait entretenu une liaison avec l'actrice pornographique italienne Moana Pozzi.
En juillet 2006, Emmanuel Milingo annonça la fondation de l'association « Married Priests Now! » qui est un mouvement regroupant des prêtres mariés et militant pour l'abolition du célibat ecclésiastique. Pour le service pastoral de cette association, Emmanuel Milingo a présidé à l'ordination épiscopale sans mandat pontifical de quatre évêques, le 24 septembre 2006 à Washington (district de Columbia). Le 26 septembre 2006, le Pape Benoît XVI a déclaré l'excommunication d'Emmanuel Milingo ainsi que celle des quatre évêques ordonnés sans mandat pontifical.
Emmanuel Milingo n'ayant fait preuve d'aucun repentir, au point de vue de l'Église catholique romaine, ayant poursuivi ses activités à la tête de l'association Married Priests Now!, ayant de même présidé l'ordination épiscopale sans mandat pontifical de Mgr Daniel Kasomo, de nationalité kényane, et d'un autre évêque, de nationalité canadienne, en juin 2009, le Pape Benoît XVI a, le 17 décembre 2009, réduit à l'état laïc Emmanuel Milingo et déclaré l'excommunication des deux évêques ordonnés sans mandat pontifical en juin 2009.
Cependant, le porte-parole du Saint-Siège précisa, le 17 décembre 2009, que les deux ordinations épiscopales sans mandat pontifical qu'Emmanuel Milingo a présidées en juin 2009 sont « valides ».
Le 20 novembre 2010, Medardo Joseph Mazombwe qui a été ordonné évêque par Emmanuel Milingo (en 1971, bien avant le début de sa rupture avec l'Église) a été élevé au rang de cardinal par le Pape Benoît XVI.
Je termine cette réflexion en remerciant le journal Temps du Bénin N° 2 de septembre 2001, d'où j'ai tiré l'essentiel des informations.
Que conclure ?
Pour une rare fois, je ne vais pas conclure. Vos conclusions seront les miennes, et je suis sûr qu'elles seront sages et pertinentes dans la diversité et dans la foi qui sauve.
Dénis AVIMADJESSI, Ecrivain