Le Ministre de l’économie et des finances, Romuald Wadagni était face aux hommes des médias ce samedi 17 octobre 2020. Objectif: repréciser les conclusions de la rencontre entre les représentants des travailleurs et le Chef de l’Etat Patrice Talon. Autrement, apporter des clarifications au sujet de l’annonce de l’apurement des arriérés de salaire des travailleurs. Au regard des précisions du ministre, il donc clair que l’opinion publique soit mieux fixée sur les polémiques autour de l’apurement des dettes des travailleurs. Lire ci-dessous l’intégralité de son intervention.
Journaliste: Les partenaires sociaux ont rencontré le Président de la République vendredi 16 octobre 2020. Au cours de la séance, il est apparu que beaucoup d’efforts ont été faits. Qu’en est-il exactement ?
Merci pour l’opportunité que vous nous donnez de revenir sur le point de la rencontre entre les partenaires sociaux et le Président de la République. Beaucoup de choses ont été faites concernant les dettes de l’Etat vis-à-vis des travailleurs, que ce soit les travailleurs actifs ou les pensionnés de l’Etat. L’idée des échanges que le Chef de l’Etat a eus avec les Centrales syndicales est d’expliquer tous les efforts faits par l’ensemble des citoyens (paiement d’impôts) pour permettre de satisfaire les droits et les dettes que l’Etat a vis-à-vis des travailleurs.
On a fait le point de la situation des dettes en 2016. Lors de la visite de madame Christine Lagarde, Directrice générale du Fonds monétaire international (FMI) en 2017 à Cotonou, on a exposé un rapport qui présentait l’ensemble des dettes de l’Etat vis-à-vis des différentes catégories de la population, notamment les travailleurs. Ce rapport présentait pour les travailleurs au titre des rappels sur salaires un montant de 93,8 milliards. Ce montant correspond au non-paiement de l’effet des glissements catégoriels du fait de la lourdeur administrative qui caractérisait la prise des actes de carrière. Le glissement catégoriel peut provenir de deux choses : l’avancement mécanique ou les échelons que l’on acquiert tous les deux ans ainsi que les reclassements mais aussi la progression des salaires liée aux promotions pour lesquelles, l’arbitrage ou l’intervention du supérieur hiérarchique est sollicité.
Je rappelle qu’au titre des rappels sur salaires, jusqu’à notre arrivée, le fait qu’il fallait, pour les travailleurs, se déplacer à la Fonction publique, faire plusieurs formalités administratives pour que les augmentations de salaire soient actées, tous ces dispositifs administratifs lourds et longs justifient en partie ses dettes qui ont été accumulées depuis des dizaines d’années. Les instructions que le Chef de l’Etat a données dès notre arrivée, c’est de réfléchir et mettre en place un mécanisme afin que ces dettes ne s’accumulent plus. Depuis notre arrivée, nous avons mis en place un dispositif où les échelons des travailleurs sont constatés de façon mécanique et automatique dans les deux bases qui gèrent la carrière et la paie... Cette réforme est effective et est entrée progressivement en vigueur depuis 2017 et permet de faire le constat, automatiquement, de l’effet des avancements en dehors des cas spécifiques qui pourraient nécessiter par exemple, le recours à un décret d’application. Cela dit, depuis avril 2016, on a des anciens actes qui étaient en cours de traitement et qui sont venus en fin de processus (l’étape de prise en charge par le Trésor Public).
L’exemple typique c’est un enseignant qui a bénéficié en 2014 d’un avancement pour lequel les actes étaient en cours de traitement quand nous sommes arrivés et c’est en 2018 que le processus est achevé. Et donc en 2018, on a pu calculer ses droits liés à un avancement qui aurait dû être constaté en 2014. Je donne cet exemple pour montrer que nous avons d’une part les dettes qui étaient constatées, auditées et revues au 6 avril 2016, qui étaient de 93,8 milliards mais au-delà de ça, il y a des droits acquis pour les travailleurs pour lesquels, les processus administratifs qui sont généralement très longs se sont poursuivis et se sont finalisés après avril 2016 et qui ont généré des droits complémentaires à payer. Ces droits, quand bien même ils ont été comptabilisés en dettes vis-à-vis des travailleurs après avril 2016, concernent pour l’essentiel, des droits acquis sur les périodes antérieures. C’est ça qui fait que le Chef de l’Etat, quand nous lui avons fait le point de la situation, nous a instruit de trouver par tous les moyens les ressources nécessaires, pour mettre à zéro l’ensemble de ces dettes. Il ne souhaite pas qu’il y ait une seule dette vis-à-vis des travailleurs. C’est en exécution de ces instructions que le point a été également fait pour l’ensemble de ces rappels de salaire qui sont en attente depuis et qui sont venus se rajouter aux 93,8 milliards et qui s’élèvent à 15,6 milliards, pour le complément des dettes qui ont été finalisées depuis 2016, mais qui concernent, pour l’essentiel, des droits acquis sur les périodes avant 2016. L’annonce du paiement a été faite aux travailleurs.
A partir de 2016, je vous ai parlé de l’annonce de la réforme importante qui permet aux travailleurs de ne plus faire des tracasseries administratives pour avoir le constat de ces avancements (conséquence positive de l’interconnexion des deux bases). Je veux aussi préciser ce que le Chef de l’Etat a dit : « Nous allons faire des efforts constamment mois après mois pour baisser le stock de dette ». Sur la période d’avril 2016 à ce jour, nous avons pu liquider déjà 53 milliards sur les 93,8 milliards de dettes qui étaient dans les comptes au 6 avril 2016. Ce qui fait qu’au titre des dettes finalisées et qui étaient en instance dans les comptes de la comptabilité publique au 6 avril 2016, on avait 93,8 milliards, nous avons sur les quatre ans et demi, fait des efforts pour liquider 53 milliards et il en reste 40,8 milliards. Tous les mois, une provision d’1milliard est faite pour solder les anciennes dettes. Parallèlement, les économies dégagées de l’assainissement des bases de données, du fait de leur interconnexion mais également des mesures telles que la bancarisation systématique des salaires et des primes périodiques des agents civils et militaires permettent de couvrir majoritairement les glissements catégoriels courants. Le Chef de l’Etat insiste pour que les marges de manœuvre qui sont dégagées soient consacrées au règlement des dettes des travailleurs à chaque fois le gouvernement en trouve. Les services du Ministère de l’Economie et des Finances sont à pied d’œuvre, ils vont travailler tout ce weekend pour s’assurer que sur les paies du mois d’octobre, qui étaient préparées soient disponibles dès la semaine prochaine, que chacun constate sur sa fiche de paie, le paiement de ces rappels de salaire. Les rappels de salaire constituent la plus grande partie des dettes.
Au-delà des rappels de salaire, il y avait un certain nombre de mesures administratives, que ce soit des arrêtés ou décrets qui ont été pris dans le temps avant nous sur plusieurs années et qui créaient des droits partiellement ou jamais liquidés aux travailleurs. Le Chef de l’Etat nous avait demandé de faire le point. Ce dernier fait partie de l’audit qui a été fait à la demande du FMI en 2016. Plusieurs catégories d’avantages de droits acquis aux travailleurs ont été liquidées dans le temps.
Par rapport à la prime des travailleurs de santé, avant nous, la pratique par le passé en cas de mouvement de grève est d’arriver à l’obtention d’un arrêté ou d’un décret qui crée des droits pour satisfaire aux revendications des syndicats. Mais de l’autre côté, l’Etat n’ayant pas les moyens de liquider ces droits, les travailleurs retournaient au travail avec ce décret ou cet arrêté en main et attendaient une autre occasion pour revenir exiger leurs droits légitimement acquis. Le Chef de l’Etat a demandé de faire le point et cette prime de 6 milliards a été payée dont 3 milliards en 2017 et 3 milliards en 2018. Toujours dans le domaine de la santé, la prime de risque qui était là depuis plusieurs années a été payée pour 1,4 milliards.
Au-delà de tout, je pense que le plus important, c’est de comprendre la direction dans laquelle le Chef de l’Etat inscrit les actions du gouvernement s’agissant des relations avec les travailleurs. Deux principes simples : le premier est qu’avant d’exiger des travailleurs des performances, il faut que l’Etat honore ses engagements dont le paiement des dettes. L’Etat est une continuité et nous avons fait le point et nous faisons les efforts tous les mois pour liquider progressivement les dettes. Le second principe est qu’il n’est pas nécessaire de rentrer dans des bras de fer ou des discussions complexes pour aboutir à la satisfaction des revendications des travailleurs. Lorsqu’on a une gouvernance transparente ou quand on expose ce qu’on a comme ressources et dans quoi on l’utilise, quand on entretient un dialogue constructif avec les centrales syndicales, on arrive à des miracles. Voilà les deux principes simples qui ont gouverné ce que le gouvernement fait jusque-là.
En dehors des travailleurs actifs, quelles sont les mesures spécifiques prises pour les retraités ?
Les instructions du Chef de l’Etat et cette volonté de vider les dettes des travailleurs s’adresse également aux pensionnés. Quand je parlais de travailleurs actifs, je vous ai parlé de ce qu’on a fait en matière d’efforts financiers pour satisfaire les dettes qui étaient là. Je vous ai également parlé de réformes pour s’assurer que les dettes ne s’accumulent plus depuis quelques temps et pour s’assurer que le travailleur ait moins de tracasserie pour profiter de ses droits. Cette même logique a été appliquée aux pensionnés. Au 6 avril 2016, il y avait une dette de 48,9 milliards à l’égard des pensionnés. Nous avons ensuite remis en cause tout le processus long et difficile pour pouvoir bénéficier de ces pensions et diverses reformes ont été également accomplies dans le but de ne plus accumuler des dettes vis-à-vis des pensionnés mais de leur faciliter la vie. La dernière réforme en date, c’est celle qui a été prise il y a quelques semaines par le gouvernement et qui vise à ce que le pensionné qui va à la retraite n’aura pas de rupture de revenu. Il va à la retraite au premier octobre et au 30 octobre, il a sa première pension. Nous avons travaillé afin que cela soit une réalité dès le mois de Novembre 2020. On ne peut pas servir un Etat pendant trente ans, aller à la retraite et se mettre à faire les bureaux de toutes les administrations pour recevoir sa pension. C’est fort de ce principe que nous avons travaillé sur la réforme qui a été validée en Conseil des ministres. Avant cela, il y a eu plusieurs mesures qui ont été prises notamment la déconcentration des différentes structures, que ce soit de la Fonction publique ou des Finances, qui permet aux pensionnés de ne plus devoir quitter Parakou pour Cotonou pour procéder à des changements dans leurs dossiers. La dématérialisation et la déconcentration de nos services dans l’ensemble des douze départements étaient déjà une forme de progrès. Avant ça, nous avons modernisé totalement l’accès aux services des pensions et livrets au Ministère des Finances avec une salle d’attente et des facilités pour les retraités dans l’idée que, lorsqu’on a servi vraiment son Etat aussi longtemps et qu’on est à la retraite, il faut que l’Etat soit là pour nous en cas de difficultés.
Le montant total dû aux pensionnés au 6 avril 2016 s’élevait à 48,9 milliards. Ces montants accumulés étaient dus à deux choses. La première est le décret de 2011 qui a revalorisé la pension à 1,25 et les tracasseries administratives. Avec ce décret, quelqu’un qui avait 100.000 FCFA de pension bénéficierait dès l’application de ce décret désormais de 125.000 FCFA. L’application non exhaustive de ce décret plus les tracasseries administratives avaient contribué à constituer sur ce volet un stock de 48,9 milliards de dette.
Des efforts faits tous les mois pour solder ces dettes ont permis à ce jour de vider à peu près 27 milliards. Il reste un reliquat d’environ 22 milliards pour lesquels, de la même manière que les travailleurs actifs, nous fournissons des efforts tous les mois pour progressivement apurer ces dettes.
Nous avons communiqué aux centrales syndicales ces détails afin qu’ils puissent retourner à la base et informer les travailleurs. Les efforts sont poursuivis mois après mois et à chaque fois qu’il y aura des marges de manœuvre complémentaires, il y aura des sauts complémentaires pour vider ces dettes.
Au total le montant dû aux travailleurs au 6 avril 2016, c’était 173 milliards dont un peu plus de 93 milliards au titre des rappels sur salaire. La réflexion du gouvernement est de savoir comment faire pour qu’en 5 ans, il n’y ait plus de dette et vider tous les 173 milliards de dette vis-à-vis des travailleurs. Je pense que si la conjoncture ne s’était pas accentuée dès l’année passée avec la fermeture des frontières avec le Nigeria et ensuite avec la Covid, vu les efforts que nous faisons dans un contexte difficile, le gouvernement aurait tenu ce pari. Ce qui est en train d’être fait relève du quasi miracle qu’en période aussi difficile, le gouvernement tient à respecter ses engagements vis-à-vis des travailleurs dans la collaboration, dans le dialogue et avec une gouvernance transparente.
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