Sur invitation de l’Organisation non gouvernementale (Ong) "Vissin", la présidente fondatrice du réseau des soignants amis des patients, a animé il y a quelques semaines, une communication sur le thème : « Construire l’égalité entre les soignants et les patients : une nécessité pour la jouissance effective des droits humains en milieu sanitaire ». Occasion pour elle de revenir sur le concept de la démocratie sanitaire et l’implémentation des soins humanisés en Afrique.
Le Matin : Bonjour Madame Annick Nonohou. Qu’est-ce qui justifie votre présence en ces lieux ?
Annick Nonohou : J’ai été invitée par la fondation ‘’Vissin’’ pour présenter une communication sur : « Construire l’égalité entre les soignants et les patients : une nécessité pour la jouissance effective des droits humains en milieu sanitaire ». Au cours de la conférence, nous avons abordé le panorama des droits humains, la non effectivité de la jouissance des droits humains dans les établissements de soins d’Afrique francophone, les causes et conséquences de l’asymétrie relationnelle entre soignants et patients. Nous avons essayé également de catégoriser les inégalités observées en milieu hospitalier, notamment les inégalités entre soignants et patients, entre les patients eux-mêmes, entre les usagers de services. Nous avons beaucoup insisté sur les problèmes entre gynécologues et sages-femmes, les causes et conséquences des inégalités mais aussi les violences médicales, les violences gynécologiques, obstétricales observées dans le système de santé. Aussi, avons-nous démontré que dans ce groupe, il y a des professionnels médicaux et paramédicaux, et donc il y a toujours des inégalités qui s’observent. Dans ce lot, il y a ceux qu’on appelle les agents qualifiés et les agents non qualifiés. Les non qualifiés sont frustrés parce qu’ils ont des diplômes, ils ont fait des établissements publics qui sont reconnus. Nous avons également essayé de voir ce qu’il faut faire pour construire l’égalité entre les soignants et les patients. J’ai eu à constater que les participants étaient vraiment enthousiasmés. Et la pierre que chacun doit porter à l’édifice pour susciter à la base, la connaissance, la maitrise des droits et devoirs, pour que les patients puissent exiger le respect de ces droits. Afin que les soins soient de qualité, parce qu’on a vu qu’il y a un lien entre le respect des droits humains, la qualité des soins, la réduction des complications ou de taux de mortalité maternelle néonatale infantile.
Mais malheureusement ces liens dont vous parlez ne sont pas ressentis sur le terrain. Quel sens donnez-vous alors à votre combat ?
En Afrique, il n’y a pas de lois spécifiques pour réprimer les violences obstétricales. Mieux, il n’y a pas de jurisprudence, parce que les individus, familles et communautés (IFC) ne maitrisant pas leurs droits, n’arrivent même pas à savoir que ceux-ci sont brimés. Et quand ils ne traduisent pas en justice, on n’aurait pas eu de jurisprudence. Donc les juristes se sont engagés à faire de la diffusion, de la vulgarisation pour inciter les IFC victimes de violences obstétricales à ester en justice pour qu’on puisse avoir de la jurisprudence dans ce domaine.
Les juristes ont peur de choisir des thèmes de mémoire parce qu’ils n’ont pas de référents pour qu’on puisse leur fournir des informations fiables. Moi étant une sage-femme juriste, me retrouvant seule devant la lutte, j’ai besoin des jeunes qui sont des juristes pour mieux travailler et nous amener à changer de mentalité, changer de comportement pour que la démocratie sanitaire soit institutionnalisée et que l’implémentation du modèle humaniste des soins soit une réalité aussi. Cela fera qu’on pourra vraiment voir la jouissance effective des droits humains en milieu sanitaire, constater l’égalité entre les soignants et les patients. Les participants qui sont en majorité des auditeurs en Master2 des droits de la personne humaine et de la démocratie à la Chaire Unesco de l’université d’Abomey-Calavi, ont promis choisir des thématiques dans le domaine du droit de la santé pour leurs mémoires et autres travaux de recherche.
Quelle appréciation faites-vous de la participation des juristes à cette conférence ?
Les participants m’ont marqué positivement. C’est vrai qu’il y a des juristes mais il y avait aussi d’autres spécialistes. Des questions pertinentes et pratiques affluaient de part et d’autre, témoignant du fait que ce vide existe et que les participants ont envie de comprendre pour mieux agir. Je trouve que mon passage ici pour cette conférence a été une réussite et cela peut entrainer le changement de comportement. Parce que les participants sont contents d’avoir la bonne information et sont prêts à la diffuser, à continuer à travailler avec moi pour mieux comprendre les thématique, pour qu’on puisse militer tous ensemble, avoir des soins humanisés et que la démocratie sanitaire soit vraiment une réalité en Afrique francophone.
Un mot pour finir
Je ne saurais finir sans dire merci à la fondation ‘’Vissin’’ qui a su m’inviter. C’est une réussite et peut-être le début d’un partenariat qu’on ne peut plus arrêter à cause de l’engouement des uns et des autres.
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