Pilier fondamental de la lutte contre le terrorisme, l’Opération Barkhane avait permis de d’éliminer plusieurs chefs terroristes au Sahel. Cependant, l’incapacité du dispositif à enrayer définitivement les attaques dans les zones chaudes notamment l’espace trois frontières (frontière entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger), une immense zone désertique de la taille de l’Allemagne parsemée de dunes rocailleux et sableux, ont poussé le président Emmanuel Macron à repenser sa stratégie dans une nouvelle cadre qui sera prochainement définie
Malgré le dispositif militaire sur le terrain, les massacres des groupes terroristes peinent à être complètement vaincus. Dotés d’une capacité de mouvement perfectionné et une connaissance pointue du terrain, les groupes djihadistes ont su adoptés dans leurs carapaces une résilience stratégique face aux armées dont ils font face. Récemment le Burkina Faso a été victime d’une attaque d’une rare violence ayant fait 150 morts à Solha, le bilan le plus lourd depuis 2015.
Selon le dernier rapport de la Coalition citoyenne pour le Sahel, les terroristes ont tué 388 personnes au Burkina Faso et 200 personnes au Mali en 2020 confirmant de plus en plus l’incapacité des Etats sahélien et du partenaire français à faire face aux exactions. Les réveils des vieilles querelles ethniques et les représailles ciblés sont devenus une arme redoutable des terroristes.
Il s’y ajoute la déstabilisation des structures socio- économiques surtout au Mali d’où il y’a une absence totale de l’administration et des services de l’Etat dans certaines parties du Nord. D’ailleurs, le réveil des vieux démons fratricides en est une illustration parfaite des tactiques « de diviser pour mieux régner » de ces derniers. Cette stratégie complique davantage l’approche militaire.
La réussite des Talibans face à l’armée rouge dans les 80 puis aux armées occidentales a convaincu la plupart des groupes rebelles classique ou d’obédience djihadiste que le basculement vers la tactique asymétrique est l’option la plus avantageuse pour vaincre une armée supérieure en hommes et en matériels. En effet, dans le sillage de la conquête du Nord Mali, les groupes djihadistes en provenance de la Libye avaient adopté une stratégie « dissymétrique » face l’armée française avant d’être anéanties par l’artillerie et l’aviation.
Conscient du rapport de force, l’asymétrie apparaissait comme une évidence existentielle pour les groupes djihadistes. Cette dernière consiste à harceler l’ennemi par des attentats ciblés (mines, RPG et IED) avec des moyens mobiles notamment les motos pour le déstabiliser, en vue de le pousser vers une « panne stratégique » afin d’avoir l’ascendant psychologique sur l’adversaire. Cette stratégie semble fonctionner d’autant plus les guet-apens font souvent des victimes dans les rangs de l’armée française surtout dans le Centre du Mali.
La panne de stratégie peut se lire dans l’incapacité française de dérouler une sortie de crise face ce noria qui se prolonge de jour en jour. Ce qui s’est traduit par un double coup-d ’Etat à Bamako. La force Barkhane commençait à être perçue par les plus sceptiques comme une armée d’occupation incapable d’en finir avec les groupes armés d’où la volonté des militaires maliens de détricoter l’ordre institutionnelle, d’installer un pouvoir fort et de diversifier les partenariats.
Le timing a été bien choisi par le président Macron en tant que candidat à sa propre succession. Le second coup-d ‘Etat du colonel Goïta a été l’événement déclencheur du changement de stratégie à un an des échéances électorales cruciales. Cette dernière vise un double objectif.
Premièrement, la suspension des opérations conjointes avec les forces armées maliennes et les mises en garde répétitives d’une éventuelle négociation avec des groupes djihadistes entrent dans une logique purement électoraliste bien pensée. Il s’agit de montrer à l’opinion publique que le France ne cèdera aucune pousse face à l’islamisme radical.
Deuxièmement, la réduction des troupes qui passera probablement de 5100 soldats à quelques centaines de forces spéciales permettra de rassurer une opinion publique parfois choquée par les morts de jeunes soldats. Sur ce point, il s’agira de priver le candidat de la droite Marine Le Pen un argument majeur de campagne. Cette dernière utilise souvent le déploiement des soldats français à des milliers de kilomètres pour attaquer le bilan de la politique étrangère de Macron. Fort de ce constat, briser l’électorat de droite acquise à Madame Le Pen apparait actuellement comme une évidence pour récolter les dividendes et pour cela l’allégement du dispositif montre toute sa quintessence.
« Nous allons amorcer une transformation profonde de notre présence militaire au Sahel », a déclaré le président Macron lors d’une conférence de presse. Le changement de stratégie dont les détails n’ont pas été encore dévoilés par l’Elysée pourront se dérouler selon trois scénarios.