Le Lac Doukon
La gestion des ressources en eau continue d'être un grand challenge pour les autorités locales de la commune de Lokossa. Le cas du lac Doukon dans l'arrondissement de Lokossa frappe à l'?il. Un vaste cours d'eau quasiment inutile quoique devant contribuer à la prospérité de cette localité.
?'Ce lac était notre fierté entre temps. Nous y pêchions et c'était le bonheur dans notre village'', se remémore encore Jérôme Kouwanou, ancien pêcheur reconverti actuellement en chasseur. C'est donc tout mélancolique que ce chasseur raconte les atouts de ce cours d'eau dans un passé très récent. ?'En ce moment-là, il y avait suffisamment de poissons dans le lac et c'était la seule activité rentable pour nous, les villageois. Nous nous y adonnions et tirions les meilleurs profits. Malheureusement aujourd'hui, les poissons se font de plus en plus rares nous limitant dans cette activité de pêche.'', ajoute-t-il. ?'La vie est très dure pour nous femmes aujourd'hui dans ce village. Avant, nos hommes revenaient avec beaucoup de poissons que nous allions vendre en ville à Lokossa. Aujourd'hui, ce lac ne nous apporte pratiquement plus rien. Nous n'avons là qu'une masse d'eau que ne nous sert à rien. Nous sommes obligées de nous rabattre sur le lac du village voisin pour trouver quelque chose à faire.'', s'est lamentée dame Léontine Houndjo, revendeuse de poissons. Pour ces villageois donc, puisque la pêche ne donne plus rien, le lac Doukon est devenu ?inutile? et ne représente qu'une vaste étendue d'eau occupant une partie de leurs terres. ?'Nous, nous sommes des pêcheurs. Et si le lac ne peut pas nous permettre de faire de la pêche, je ne vois pas en quoi il nous est utile encore?, a déploré Jean Donou, un pêcheur de la localité.De ces différents témoignages, il ressort que les villageois de Doukonta, ne prennent le lac Doukon que pour faire de la pêche. Mais, est-ce que c'est seulement cette activité qu'on peut mener autour de ce lac?
Doukon, lac à fortes potentialités économiques
Lac Doukon : une petite étendue d'eau de 25 hectares environs située dans le village de Gbédji, dans l'arrondissement central de Lokossa. Limité au nord par le lac Togba ou Togbadji et au sud par le lac Toho, Doukon offre beaucoup d?opportunités jusque-là inexploitées. Et pour y accéder, c'est la croix et la bannière. Totalement enclavé, on n'y a pas accès facile malgré toutes ses potentialités économiques. ?'Ce lac représente un atout touristique car on y voit encore un hippopotame. Si ce site était entretenu, cela pourrait drainer beaucoup de touristes.'', laisse entendre un agent de la mairie de Lokossa qui a requis l'anonymat. ?'En fait, si aujourd'hui, il ne reste qu'un seul hippopotame dans ce lac, c'est parce qu'on ne les a pas protégés en son temps. Sinon, elles étaient quatre, ces espèces en voie de disparition dans le lac Doukon. Puisque le site n'est pas protégé, un a été tué par un gros porteur une nuit en traversant la route à la recherche de la nourriture. On a retrouvé un autre mort et nous ignorons la cause. Dans la foulée, le troisième a fui ce lac laissant sur place le quatrième qui y vit encore. Si rien n'est fait pour le protégé, je ne sais pas quel avenir il a.'', explique Bruno Lissa, agent à la CBT et natif du milieu. Il va sans dire que rien que pour la présence de ce pachyderme, le lac Doukon devrait être économiquement viabilisé. Mais rien. Au-delà de l'aspect touristique, le lac offre des opportunités agricoles sans nulle autre pareille. ?'Nous n'aimons pas cultiver ici la terre bien que du fait du lac, les terres sont très riches par ici. Nous sommes conscients que l'agriculture peut marcher ici, mais ce n'est pas notre activité. La preuve, les quelques rares qui le font ne sont pas des natifs du milieu. Ils ont acquis les terres et y ont mis des plantations de palmiers et autres. Mais ce n'est pas encore ça.'', reconnait malheureusement Mathias Teko, un pêcheur actuellement dés?uvré. ?'L'agriculture devrait être développée sur tout le périmètre de ce lac offrant ainsi des centaines d'emploi aux jeunes. Mais, c'est bien dommage que rien ne se fait là. Avec un système de drainage, je pense que nous pouvons constituer le grenier du département du Mono avec plusieurs productions. Nos ingénieurs agronomes et nos frères qui sortent des lycées agricoles doivent y penser sérieusement. On ne peut disposer d'un tel site et ne rien fait. Encore que quand les pêcheurs se lamentent du fait de la rareté de poissons, moi je dis que l'espoir est encore permis. Car on peut empoissonner ce lac et réveiller encore cette activité de pêche dans la zone. Mais, on ne voit pas ces solutions et on se confond dans des jérémiades '', se désole Sévérin Hounnou, chef de l'arrondissement de Lokossa. ?'Mais je ne crois pas que la mairie est restée les bras croisés sur ce dossier. Je sais que des actions ont été menées dans le sens de viabilisation de ce site, surtout l'aspect touristique. C'est aussi vrai que j'ignore là où nous en sommes aujourd'hui pour ce projet'', complète le chef de l'arrondissement de Lokossa.
Des tentatives de viabilisation non fructueuses.
Avant d'arriver à la rive de ce lac, nous avons frayé des chemins dans les marécages environnant, les voies d'accès facile n'existant pratiquement pas. Nous avons passé près d'1 heure à la recherche d'une barque pouvant nous permettre d'atteindre la berge afin de nous rendre sur le lac. ?'Vous même vous voyez comment nous souffrons? Ce lac est difficile d'accès surtout s'il pleut. Il n'y a plus de voies. Entre temps, on a appris qu'il y a un projet et l'honorable Dakpè Sossou alors maire de la commune, avait amené un bulldozer pour tracer la voie jusqu'à la rive. Mais personne ne sait ce qui s'est passé et le travail n'a plus été fait.'', explique Bruno Houssou, notre guide.Et le projet en question, était la transformation de ce lieu en un site touristique. ?'Les démarches étaient très avancées. La mairie en son temps avait mis les bouchées doubles pour valoriser ce lac aux hippopotames de sorte que les touristes en raffolent. Même des guides touristiques ont été formés. Mais je ne sais pas ce qui s'est passé pour que le projet n'ait pas abouti. C'est resté sans suite jusqu'à présent. C'est bien dommage car cela devrait changer le visage de ce milieu et apporter une plus-value à la commune. Mais je sais aussi que dans le cadre de ce projet touristique, une barque motorisée a été offerte aux guides pour la visite de l'hippopotame. Dans quel état se trouve cette barque aujourd'hui?, je ne saurais le dire.'', a déclaré l'agent de la mairie. Mais ce projet de rendre ce site touristique n'est pas le seul. Il y a eu aussi un autre projet agricole qui n'a visiblement pas prospéré non plus. ?'De l'autre côté de la rive, à l'Est, il y a quelqu'un qui a aménagé et y fait du maraichage. Au départ, cela a vraiment prospéré et les cultures sont vraiment verdoyantes. Avec sa technique d'irrigation, il a pu transformer ce lieu. Et il me semble même que la mairie l'a aidé en construisant un petit magasin sur le site. Mais depuis peu, on ne le voit plus par ici et le site est abandonné.?, raconte Jérôme Kouwanou.Et notre descente sur ledit site nous a offert une scène désolante. Sur ce site désert, on voit y clairement les dispositifs de drainage mis sur pied. Les papayers bien en forme et dont les fruits sont tout verts, la couleur verte des quelques rares légumes qui sont restés non entretenus témoignent sur la richesse du sol. L'état de délabrement avancé du magasin construit en matériaux précaires et les hautes herbes occupant le site sont des signes évidents de l'abandon du projet, pourtant florissant selon les témoignages. Un projet si prometteur qui n'a rien donné. Toute tentative de joindre le promoteur est restée vaine et même les autorités locales ne semblent pas être au courant d'un tel projet malgré que le magasin en matériaux définitifs ait été construit par l'Etat à travers la coopération Bénin-Japon. ?'Je ne sais pas comment ce magasin a pu atterrir là-bas. Il n'y a pas trace de cela dans nos archives ici. Surement que c'est un projet de l'Etat central. Voilà comment les choses se passent chez nous. Alors qu'avec ce projet, on pouvait produire toutes les saisons de l'année'', a laissé entendre l'agent de la mairie.
De toute évidence, ni le projet agricole, ni celui du tourisme n'a abouti. Et pour quelles raisons? Difficile de répondre même si certains tentent de donner des explications. ?' J'ai appris entre temps que le seul hippopotame qui reste dans le lac allait dévaster les cultures ici. Mais moi, je dis que si tel est le cas, c'est la faute aux autorités locales. Car, si elles aménageaient le site de sorte des grillages soient installés pour contrôler les mouvements de cet animal, on n'en serait pas là.'', estime Jérôme Kouwanou. En clair, le lac Doukon offre beaucoup d'atouts pour une économie bleue réussie à Lokossa. Malheureusement, ces opportunités ne sont pas encore saisies. Toutefois, il est utile de rappeler que ce cours d'eau, d'une importance économique certain, n'attend que d'être exploité. Le viabiliser, sera donc un gain pour toute la commune de Lokossa. Le développement passe aussi par là.