Vue de profil du centre de santé illégal fermé à Djidja
Des contrôles sont diligentés et la moisson est malheureusement foisonnante. Depuis la date butoir du 1er septembre 2018, la lutte sans pitié fait rage pour le respect de la loi et contre la pratique illégale des professions médicales et paramédicales. En toile de fond à l’œuvre de salubrité publique, les réformes du gouvernement du Bénin dans le secteur santé.
Dimanche 30 septembre. Dans la commune de Djidja au centre du Bénin, à 10 minutes de vol d’oiseau d’Abomey, la capitale historique, bastion du célèbre roi Béhanzin, l’équipe de suivi des mesures de fermeture des cabinets illégaux de santé est en alerte. Il lui est revenu qu’un aide-soignant exerçant illégalement continuait d'administrer des soins à domicile. Portée sur les lieux, l’équipe constate le flagrant délit. Le faux soignant est alors interpellé puis gardé à vue. Très vite, les premiers éléments de l’enquête indiquent que l’intéressé aurait un parrain en soutien derrière. Les forces de la Police républicaine élargissent alors leur champ d’action, procèdent à la fermeture du cabinet puis délivrent une convocation pour comparution immédiate au présumé parrain et promoteur tapis dans l’ombre. Présentés au procureur, nos deux larrons en foire sont déférés à la maison d’arrêt d’Abomey.
Dans la lutte pour l’assainissement du secteur de la santé, que de situations similaires déjà enregistrées! Dans un village du département du Mono, c’est le cas d’un aide-soignant du centre communal de santé qui défraie la chronique. L’intéressé tenait, jusque-là à Bopa, un cabinet privé de soins rendu opérationnel sur la base de deux fausses autorisations. Au détour de la constatation du flagrant délit, qui crève l’œil, tout l’arsenal de travail du faux «doto» est saisi et ses patients de l’instant -un bébé et sa maman- sont transférés au centre de santé de la commune. Le mis en cause, lui-même, est présenté au procureur de la République. Circonstance aggravante, par son audace inouïe, il s’était attribué un numéro d'autorisation bien inscrit à la peinture sur le mur de la cabane de fortune qui le voit officier. L’une après l’autre, trois autres arrestations ont été opérées: un infirmier d’Etat à la retraite et deux agents de santé. A quelques encablures de là, à Grand-Popo, la police serait aux trousses d’un individu réputé «piqueur sauvage», qu’elle entend cueillir à froid, la main dans le sac. Plus loin, à Tobré, plutôt dans la partie septentrionale, notamment dans la zone sanitaire dite des 2K-P (Kérou-Kouandé-Péhunco), une aide-soignante est débusquée, en train de poser des perfusions à une malade. Elle est aussitôt remise à la justice et sa patiente, référée.
Grâce à la coordination mise en place, depuis leur tour de contrôle au ministère de la santé à Cotonou, les plus hautes autorités sanitaires suivent attentivement les moindres détails des opérations de terrain. Photos, vidéos, procès-verbaux d’intervention et autres pièces à conviction leur sont acheminées, au fur et à mesure des saisies de matériels, des fermetures et des déferrements de prévenus. Des statistiques sont tout autant tenues par les services compétents avec l’appui soutenu du cabinet du ministre de la santé. «Les comptes rendus des actions menées dans chaque département sont transmis tous les lundis, à 9h au plus tard et de façon régulière par les directeurs départementaux de la santé qui veillent fortement à l’application effective et totale des mesures aux côtés des préfets et des maires», précise Dr Liamidhi Salami, Conseiller Technique aux Soins de Santé Primaires du Ministre de la Santé. Pour ce qu’il en sait, ce cadre rompu à la tâche, fait observer, entre autres, que «les données chiffrées recueillies traduisent un fort engagement des acteurs à tous les niveaux avec, pour effet, la déconstruction de plus en plus évidente de l’image des faux praticiens dans l’esprit des populations, faisant espérer que les pendules soient remises à l’heure en matière de respect des normes d’installation d’établissement sanitaire et d’exercice en clientèle privée». C’est d’ailleurs au regard de ces résultats que, au nom de son cabinet, le ministre de la santé décerne un grand satisfécit aux acteurs engagés dans les opérations d’assainissement, tout en leur enjoignant de maintenir le cap.
Opérations kamikazes sansaccrocs… avec le soutien des populations
Ces importants résultats sont loin d’être les acquis des seuls acteurs de la santé. En effet, sur le terrain, conformément à certaine feuille de route élaborée à cet effet, les opérations de contrôle et de fermeture sont menées sous l’autorité conjointe des préfets des départements et des maires qui dirigent au niveau de leur aire administrative le «Cadre de concertation départemental/ou communal d’assainissement du secteur privé de la santé». Cette instance dérive du «Cadre de concertation national» et est instituée pour être le bras d’opérationnalisation et de suivi des mesures de réforme de la pratique en clientèle privée de la profession médicale et paramédicale au Bénin. Du niveau national au niveau communal, le format de composition du Cadre de concertation est identique et marqué par la présence incontournable des ministères en charge de la santé, de la justice, de l’intérieur, de la défense, de la gouvernance locale et de celui la fonction publique. Cette instance conforte le leadership des préfets et des maires dans la protection de la santé de leurs populations en s’appuyant sur la police républicaine et les acteurs de la justice -les procureurs de la République- pour légitimer ses actions sur le terrain.
Signalons que la mise en route audacieuse de ces réformes dans le secteur reste dans la logique d’une redéfinition du profil sanitaire du pays engagée par le Président Patrice Talon. La prise du décret 2018-342 du 25 juillet 2018 en fait foi et le Professeur Benjamin Hounkpatin, Ministre de la Santé, montre bien la voie: «Il n’y a donc pas lieu de fléchir, il faut aller jusqu’au bout», exhortant ses collaborateurs à plus de ténacité et d’abnégation. D’ailleurs, au retour de sa participation à la 73e assemblée générale des Nations Unies, à New York aux côtés du chef de l’Etat, M. Patrice Talon, le ministre de la santé confiait à ses proches collaborateurs, ce qui suit. «Le monde entier nous regarde et nous n’avons pas le droit d’échouer. Nous serions en train d’écrire de nouvelles pages de notre histoire nationale, dans le secteur de la santé, et nous devons nous y mettre résolument, afin qu’à l’arrivée, nous soyons fiers d’avoir appartenu à cette équipe qui est au charbon actuellement».
Nonobstant ces résultats, des poches de réticence et de persistance de l’arnaque mortelle dont les populations sont victimes depuis des décennies subsistent sans aucune chance de survivre à la dynamique engagée avec ferveur et fermeté par le régime de la rupture. A terme et, dans futur très immédiat, les pseudos agents de santé, rejetons de la culture de l’impunité et chefs d’orchestre de mouroirs, dignes de véritables «abattoirs d’hommes», développé au vu et au su d’un Etat démissionnaire sur le contrôle de l’application de ses propres textes, sont appelés à disparaître.
Dans l’ensemble, les opérations kamikazes de contrôle et de fermeture des formations sanitaires illégales, enclenchées depuis quelques semaines, se déroulent avec beaucoup plus d’aisance que prévue. «Les populations acquises à la cause nous apportent parfois leur soutien, notamment en nous filant la mèche», confie un membre de la cellule décentralisée du Cadre de concertation du Zou-Collines. Et il se susurre que si l’opération est d’ores et déjà un succès, il reste que l’Etat reprenne la main, là où il le faut, en mettant en place les mesures d’accompagnement nécessaires au niveau des structures sanitaires de service public. Car, il est déjà certain que la mesure va doper la fréquentation des centres publics de santé pour nécessiter, sans délai, des actions conséquentes. Et on se pose la question de savoir comment remplacer les cabinets qui offraient des soins aux villages enclavés, hier abandonnés. «Ces préoccupations ne manquent pas d’attention de la part du ministre de la santé et du gouvernement», nous dit-on. Les semaines à venir nous édifierons davantage sur les engagements du gouvernement pour remédier efficacement aux effets des mesures d’assainissement du secteur privé de la santé. Là où il est le plus attendu tient du relèvement qualitatif du niveau de formation des agents de santé ainsi que de leurs conditions de travail, celui de l’état des plateaux techniques, de l’élargissement de la carte sanitaire nationale et bien d’autres aspects encore. En attendant, la machine mise en route semble bien lancée, poursuivant son petit bonhomme de chemin pour le bien des populations nécessiteuses du bas de la pyramide sociale.
Source extérieure