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IVG au Bénin
entre progrès et clandestinité


IVG au Bénin : entre progrès et clandestinité
Depuis l'adoption de la loi N° 2021-12 modifiant et complétant la loi de 2003 relative à la santé sexuelle et à la reproduction, le Bénin a fait des progrès significatifs pour encadrer l'interruption volontaire de grossesse. Malgré ces avancées, l'avortement à risque reste une réalité inquiétante, mettant en danger la vie et la santé de nombreuses femmes.

À 21 ans, Fatou, apprentie couturière dans une petite commune du nord-est du Bénin, rêvait d'autonomie et de mariage avec son copain connu de sa famille. Sa vie a basculé pendant les grandes vacances lorsqu'elle est tombée enceinte du frère de sa patronne. Terrifiée à l'idée que son état soit découvert et craignant le jugement et la condamnation de sa communauté, elle s'enfuit à Parakou, la métropole du nord du Bénin, dans l'espoir de bénéficier d’une interruption volontaire de grossesse sécurisée. Mais elle essuie un refus au centre de santé. Dans le désarroi et à court de solutions, elle se confie à une proche qui lui conseille de boire un mélange de potasse dissoute dans un soda porté à ébullition et une bouteille entière de bière forte. Victime de violents maux de ventre, Fatou est sauvée de justesse grâce à l'intervention d'un médecin dans une clinique privée.

Fatou n’est pas un cas isolé. Comme elle, de nombreuses Béninoises continuent de recourir à des méthodes dangereuses pour mettre fin à leur grossesse. Pourtant, le pays a franchi un pas significatif en assouplissant le cadre juridique régissant l’IVG, à travers le vote de la loi 2021-12 du 20 décembre 2021 modifiant et complétant la loi n° 2003-04 relative à la santé sexuelle et à la reproduction.
Avant cette modification, l'intervention volontaire de grossesse n'était autorisée que dans des conditions particulières telles qu'une grossesse résultant d'un viol, d'une relation incestueuse, menaçant la vie de la mère ou en cas de malformation sévère du fœtus. Ces restrictions poussaient de nombreuses jeunes filles et femmes à se tourner vers des pratiques dangereuses aux conséquences parfois fatales.
Avec les nouvelles dispositions légales, l'IVG peut être autorisée à la demande de la femme « lorsque la grossesse est susceptible d'aggraver ou d'occasionner une situation de détresse matérielle, éducationnelle, professionnelle ou morale incompatible avec l'intérêt de la femme et/ou de l’enfant à naître », selon l'article 17-2 de la loi modifiée.
Malgré ces changements, de nombreux facteurs continuent de favoriser l’avortement à risque au Bénin.
Stigmatisation, normes sociales : des freins à la sécurité
Parmi ces facteurs, on peut noter une stigmatisation liée à l’IVG profondément ancrée dans la culture béninoise. « La crainte de la stigmatisation constitue l’un des éléments qui poussent les femmes à recourir à la clandestinité », selon le gynécologue obstétricien Tchimon Vodouhè. Il explique qu’elles le font par souci de discrétion, afin de s'assurer que leur démarche reste secrète et que personne ne le découvre.
Les normes sociales sont également déterminantes. Si la loi de 2021 leur donne les pleins pouvoirs pour prendre leurs propres décisions sur  des questions touchant à leur corps et à leur intimité, la réalité est différente dans le contexte socio-culturel qui, lui, est régi par des normes.  « Ces normes sanctionnent plus que la loi… et les femmes se savent regardées et jugées sévèrement si elles mettent fin à leur grossesse, au su de tout le monde », explique le socio-anthropologue Emmanuel Sambiéni.
Bien que le nombre de cas d’avortements à risque ait diminué et que les demandes d’IVG sécurisée sont plus ouvertes et plus fréquentes dans les formations sanitaires depuis l’évolution du cadre juridique, Dr Vodouhè reconnaît que la pratique n’a toujours pas disparu. Il est témoin de l’état terrible dans lequel certaines femmes continuent d’arriver à l’hôpital, après être passées par la clandestinité et un avortement dangereux : Si certaines gardent des séquelles, d’autres, comme Mireille meurent. Décidée à ne pas garder une grossesse dont elle ne voulait pas, elle a eu recours à un « docteur », une personne non qualifiée. Une décision qui lui a été fatale. « Elle a commencé par sentir des douleurs dans le ventre six jours après l’IVG. Elle est alors repartie chez le docteur qui lui a fait une injection. Elle est morte », raconte Sèna, une de ses amies. Toutefois, selon l'OMS, les avortements peuvent être sûrs s'ils sont pratiqués à l'aide d'une méthode recommandée par l'OMS et adaptée à l'âge gestationnel de la grossesse, et si la personne qui pratique l'avortement possède les compétences nécessaires. Selon Planned Parenthood, les avortements en clinique et les avortements médicamenteux fonctionnent dans 87 à 99 % des cas. Il est très important de comprendre quelles sont les procédures d'avortement sûres et où vous pouvez obtenir une procédure sûre.
La réticence du personnel soignant : l’autre défi à relever
Incontournable dans la prestation de services d’IVG sécurisée, le personnel soignant représente aussi un obstacle pour certaines femmes. L'étude intitulée « Adhésion du personnel soignant à la nouvelle loi de légalisation de l'avortement au Bénin », publiée en janvier 2024, montre d’ailleurs que 57,3 % des professionnels de santé béninois n'adhèrent pas à la nouvelle loi sur l'avortement, et beaucoup refusent de pratiquer l'IVG si les raisons invoquées ne sont pas jugées valables.
Fatou qui n’a pas pu jouir de son droit n’a pas été orientée vers un autre agent qualifié alors que l’article 5 du Décret N°2023-151 du 19 avril 2023 fixant les conditions d’interruption volontaire de grossesse est clair sur la question : « En cas d’objection de conscience à une pratique abortive, le médecin, la sage-femme ou l’infirmier dûment habilité réfère la patiente vers un autre agent qualifié dès la première consultation ».
Le chemin vers l'éradication de l'interruption volontaire à risque est semé d'embûches. L'accès à des informations sur les avortements sûrs, l'accès à des prestataires de services d'avortement vérifiés et sûrs et le respect des choix des demandeurs d'avortement sont importants pour réduire les avortements dangereux. Dr Tchimon Vodouhè estime qu’il est crucial de mener une lutte sans relâche contre le fléau, car tant qu'il restera une option, même avec un cadre légal favorable, les femmes préféreront la clandestinité. La vulgarisation de la loi à tous les niveaux est donc nécessaire et pour relever les défis et faire avancer les choses. « Il faut que la population et les prestataires de santé aient effectivement connaissance de la loi et de ce dont elle dispose. C’est important pour que chacun sache ce qui lui incombe sur le plan légal », selon Dr Vodouhè.
Co écrit par
Flore NOBIME
Fleur Olive OUSSOUGOE
Christian GANDJO



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