Le Togo et l’Afrique viennent de perdre un serviteur, un fils. Personnalité politique et grand homme d’état du Togo, plusieurs fois ministre et premier ministre de son pays, Edem Kodjo, le distingué diplomate africain ex secrétaire de l’OUA, s’en est allé ce 11 Avril 2020 dans sa 82ieme à Neuilly-sur-seine près de Paris. Il était un intellectuel et homme de lettres.
Homme politique et homme d’Etat, Edouard K. Kodjo devenu Edem Kodjo est né le 23 mai 1938 à Sokodé au TOGO. Après son baccalauréat obtenu à Lomé, il s’inscrit en novembre 1957 à l’université de Rennes. Jeune étudiant en Sciences Economies, il découvre la vie estudiantine et adhère à la FEANF (Fédération des Étudiants d'Afrique Noire en France). La FEANF était pour la plupart des étudiants africains en France, un passage obligé. Une puissante fédération qui a permis à la plupart des étudiants africains en France à l’époque, de se côtoyer plus ou moins, dans un creuset identitaire de leur continental d’origine. D’ailleurs, la FEANF a permis à Edem KODJO, de rencontrer Henri Lopes, alors jeune étudiant aussi et congolais (RDC) qui deviendra plus tard, comme lui, un des éminents diplomates à carrière internationale que compte l’Afrique dans ses archives.
Meilleur étudiant de sa faculté à l’université de Rennes en 1961, il décide de poursuivre ses études et pose ses valises à Paris. Il entre à l'ENA (École nationale d'administration) de Paris. Brillant étudiant, il obtient son diplôme en 1964 (promotion Blaise Pascal). La même année, il obtient son premier poste de travail en tant qu’administrateur à l’Office de Radiodiffusion et Télévision Française.
En 1967 rentre au Togo. Il est nommé secrétaire général du ministère de l’Économie et des Finances. Puis il devient directeur de la Société Nationale d’Investissement (SNI).
Actif politiquement, il participe en 1969 à la création du Rassemblement du Peuple Togolais appelé RPT, parti unique sous la houlette du président d’alors, Etienne Eyadéma devenu plus tard Gnassingbé Eyadema. Pour des raisons géopolitiques. Il devient alors le premier secrétaire général du nouveau parti le RPT qu’il dirigea de main de maître de 1969 à 1971. Sans surprise, Il a été nommé ministre de l'Économie et des finances. Il décide d’entamer une carrière internationale avec la bénédiction de son ami et mentor bien aimé le président Gnassingbé Eyadéma. Ce dernier n’a ménagé aucun effort pour appuyer ses différentes candidatures aux hautes fonctions internationales.
Sur le plan international, entre 1971 et 1976, Edem kodjo a occupé les postes de Gouverneur au Fonds monétaire international (FMI), Dans la même période il est administrateur de la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest et président du Conseil d’Administration de la même banque et à ce titre, appose sa signature sur les billets ayant cours dans les sept pays de l’UMOA (Union Monétaire Ouest Africaine). Il a aussi été gouverneur de la BAD (Banque Africaine de Développement)
En 1976, retour au pays. Il est nommé ministre des Affaires étrangères et de la coopération aux cotés de certains caciques membres et cadres du RPT aussi nommés ministres. On notera les cadres ministres cotoyés, Ayité Gachin Mivedor, Polycarpe Johnson, koffi Sama, Yao Kunalé Eklo… Le désormais chef de la diplomatie togolaise excelle dans sa fonction. L’homme avait une aura qui commence à prendre de l’ampleur. Il avait l’étoffe d’un homme d’Etat. Les pontes du RPT commencent à l’avoir à l’œil. Certains ne supportaient plus sa position dominante au RPT.
En 1978, le président Eyadéma n’a pas hésité à appuyer la candidature de Edem Kodjo au poste tant convoité de secrétaire général de l’OUA (l’Organisation de l'Unité Africaine). Les tracasseries diplomatiques se mettent en marche pour convaincre les présidents africains à soutenir le diplomate togolais. En juillet 1978, au sommet des chefs d’État et de gouvernement en Égypte Edem Kodjo fut élu secrétaire général de l’OUA. Toute la classe politique togolaise jubile et même tout le peuple, de voir un fils togolais à ce niveau de responsabilité au premier plan de la diplomatie africaine. La diplomatie togolaise a triomphé. Bon débarras pour ses rivaux au sein du RPT.
À la tête de cette organisation continentale, il devra faire face à une crise majeure. Le Sahara occidental est en proie à un conflit opposant les indépendantistes sahraouis du Front Polisario au Maroc. Le Front Polisario a officiellement demandé le 23 juin 1980, à l'Organisation de l'unité africaine de reconnaître la République arabe sahraouie démocratique et de l'admettre en son sein. Demande épineuse pour Edem Kodjo qui doit vite agir. Il entame un sondage auprès des Chefs d’Etat. Il fût à l’origine du plan de Lagos concernant ce dossier.
Démocrate convaincu, il s'oppose à l'autoritarisme croissant dans le parti unique RPT vers la fin des années 1970. Très vite ses détracteurs au sein du RPT, voient en lui une stratégie pour déstabiliser le régime en place à son profit car il jouissait d’un très grand prestige à l’échelle internationale. Il tombe en disgrâce avec le pouvoir en place au Togo. Pour contrer son prestige, le général Eyadema, s'opposa à son action à la tête de l'Organisation de l'unité africaine. Une pareille attitude venant de son propre président ne peut être perçue comme une humiliation, un désaveu. Au terme de son mandat à la tête de l'OUA en juin 1983, Edem Kodjo, en quittant l’OUA, rompt aussi le ban avec le pouvoir de Lomé. Il a préféré s'exiler en France que de retourner au Togo son pays où il se serait à coup sûr en danger. Il devient professeur associé d’économie de développement et d’études africaines à l’Université de Paris I (Panthéon-Sorbonne) pendant une dizaine d’années. Il ne retournera au Togo qu’en 1991, à la faveur de l’ouverture démocratique. Il crée son parti, UTD (Union Togolaise pour la Démocratie) et appelle au grand pardon. Edem Kodjo a été élu député en 1994. Il fut Premier ministre du Togo à deux reprises; d’abord, sous la présidence de Gnassingbè Eyadéma du 23 avril 1994 au 20 août 1996, puis sous celle de son fils, Faure Essozimna Gnassingbé, du 9 juin 2005 au 20 septembre 2006. Il quittera définitivement la scène politique togolaise après sa déconvenue aux législatives de 2007 pour se consacrer à sa fondation Pax Africana dont l’objectif est de travailler à réduire les conflits sur le continent, proposer des solutions pour un développement intégral et authentique de l’Afrique et porter le panafricanisme. En 2016, il était facilitateur de l’Union africaine en République démocratique du Congo une mission que lui a confiée par la présidente de la Commission de l’Union Africaine de l’époque, la Sud-africaine Nkosazana Dlamini-Zuma. Après dix mois d’une facilitation chahutée, qui lui avait valu d’être contesté par l’opposition congolaise, il avait fini par jeter l’éponge.
Intellectuel et homme de lettre et une carrière politique bien rempli mais contrasté tout de même, il a à son actif plusieurs livres et essais. Il publie en 1985 Et demain l’Afrique un essai qui décrypte l’évolution du continent africain et projette son inévitable développement. L’ancien secrétaire général de l’OUA était un panafricaniste convaincu de la lignée des grands leaders panafricaniste comme Kwame Nkrumah, Sékou Touré, le Tanzanien Julius Nyerere. Edem Kodjo un nom qui aura marqué l’histoire de son pays le Togo et de l’Afrique. Hommage mérité à lui.
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