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Débat sur l’annulation de la dette des pays africains pour faire face à Covid 19
Les observations et propositions du ministre Wadagni
Photos Dr


 

La pandémie mondiale, la Covid19 a mis depuis quelques mois toute la planète terre au respect et inflige ainsi au monde entier l’une des plus graves crises sanitaire et économique de son histoire. Face à cette situation, contrairement à certains dirigeants européens comme africains dont Macky Sall et Emmanuel Macron, qui prônent l’annulation de la dette des pays africains pour faire face à la pandémie de coronavirus, le ministre béninois de l’Économie et des Finances, Romuald Wadagni, en a fait une autre lecture. Pour lui, d’autres approches doivent être privilégiées. Cette réflexion du ministre traduit la position du Bénin sur les moratoires accordés aux pays africains pour le service de la dette.

Dans sa chronique publiée dans Jeune Afrique, l’argentier national béninois, Romuald Wagagni n’est pas d’avis de ceux qui pensent que l’allègement de la dette africaine est la solution. En effet, il a d’abord reconnu et salué la forte et rapide mobilisation internationale et les récentes mesures en faveur des pays pauvres et l’accord du 15 avril 2020 au sein du G20, l’illustrent bien, selon lui. Il estime tout de même et constate « Les politiques et instruments mis en œuvre pour soutenir les économies des pays développés sont orientés vers la mobilisation et la mise à disposition immédiate de nouveaux financements visant à contenir les impacts économiques de la crise, tandis que les mesures adoptées pour l’Afrique se résument principalement soit à des annulations de dette, soit à des moratoires sur le service de la dette publique bilatérale»

Le ministre Romuald Wadagni a ensuite relevé plusieurs inconvénients en ce qui concerne l’option d’allégement de la dette africaine pour combattre le coronavirus. Très incisive et objectif, il trouve que ces solutions, malgré la marge budgétaire immédiate qu’elles offrent, ne répondent pas aux enjeux cités plus haut et présentent d’importants inconvénients à court et moyen termes. « En effet, les dépenses des États sont appelées à croître rapidement pour contrer la propagation de la pandémie alors même qu’il faut continuer à faire face aux défis du développement. À ce constat, s’ajoute la chute importante des recettes qui vient réduire davantage les marges budgétaires. L’allègement de la dette ou un moratoire constitue dans ce contexte, un appel à l’indulgence des créanciers et n’apporte pas de solutions structurelles aux difficultés des État », a-t-il soutenu.

De plus, étant maître de son domaine et historien des faits économiques, le ministre Romuald Wadagni a fait des rappels en des situations similaires. «C’est le lieu de rappeler que les annulations de dettes opérées dans la décennie passée à la suite de l’initiative Ppte, n’ont pas manqué de laisser de mauvais souvenirs tant au niveau des créanciers privés que des prêteurs bilatéraux publics dont certains ne sont d’ailleurs plus jamais revenus financer nos États, si ce n’est par l’octroi de dons », précise le ministre. Il renchérit de plus qu’au regard de la faiblesse de l’épargne intérieure et du secteur privé, la dette, la bonne, aux meilleures conditions de coût et de durée, est essentielle pour mettre nos économies sur un sentier de croissance soutenue et durable.

 

Plus loin, il a martelé que l’endettement responsable est un meilleur choix qu’un appel à l’indulgence. «Collectivement, elles pourraient mutualiser leurs qualités de crédit au sein d’un nouveau véhicule ad hoc, dédié à un plan de reconstruction d’une ampleur sans précédent pour nos pays. Le Mécanisme européen de stabilité pourrait constituer une bonne source d’inspiration pour créer un véhicule supranational ayant le statut de créancier privilégié et réunissant les partenaires au développement », a justifié le ministre. Lire ci-dessous l’intégralité de sa chronique publiée dans Jeune Afrique.

Lire ci-dessous l'intégralité de sa chronique publiée dans jeune Afrique du 23/04/2020

 

« Le COVID19 inflige au monde entier l’une des plus graves crises sanitaire et économique de son histoire. Cette crise vient complexifier les difficultés déjà importantes des pays fragiles et du continent africain en particulier. Elle surgit alors même que les budgets de plusieurs pays subissent déjà de plein fouet les conséquences redoutables du défi sécuritaire et du changement climatique.

 

Dans ce contexte de baisse importante et brutale des recettes budgétaires, plusieurs dépenses restent néanmoins incompressibles comme celles liées au fonctionnement de nos institutions, à la lutte contre de nombreuses maladies endémiques, à la poursuite d’autres dépenses sociales prioritaires et au respect de nos engagements financiers.

 

Face à cette crise, je voudrais reconnaître et saluer la forte et rapide mobilisation internationale. Les récentes mesures en faveur des pays pauvres et l’accord du 15 avril 2020 au sein du G20, l’illustrent bien. Toutefois, je constate que les politiques et instruments mis en œuvre pour soutenir les économies des pays développés sont orientés vers la mobilisation et la mise à disposition immédiate de nouveaux financements visant à contenir les impacts économiques de la crise, tandis que les mesures adoptées pour l’Afrique se résument principalement soit à des annulations de dette, soit à des moratoires sur le service de la dette publique bilatérale.

 

Il faut alléger la dette africaine pour combattre le coronavirus

Plusieurs inconvénients

Ces solutions, malgré la marge budgétaire immédiate qu’elles offrent, ne répondent pas aux enjeux cités plus haut et présentent d’importants inconvénients à court et moyen termes. En effet, les dépenses des États sont appelées à croître rapidement pour contrer la propagation de la pandémie alors même qu’il faut continuer à faire face aux défis du développement.

 

À ce constat, s’ajoute la chute importante des recettes qui vient réduire davantage les marges budgétaires. L’allègement de la dette ou un moratoire constitue dans ce contexte, un appel à l’indulgence des créanciers et n’apporte pas de solutions structurelles aux difficultés des États.

 

Par ailleurs, un allègement de la dette ou un moratoire pour le paiement des échéances ternira davantage l’image des États et compromettra leur accès aux financements futurs. Nos pays subiront un effet induit sur la perception de leur qualité de crédit ; ce qui les exposerait à des sanctions ultérieures inévitables de la part du marché. Un moratoire pourrait même être considéré dans certaines documentations de prêt comme un événement de défaut par les créanciers privés, qu’il soit voulu ou subi et quand bien même il ne concernerait que les créanciers publics bilatéraux.

 

Au-delà des agences de notation qui pourraient sanctionner le non-respect d’une échéance de prêt, tous les efforts fournis par nos pays pour améliorer le climat des affaires et la perception de risque présentée dans les classifications de l’OCDE notamment et utilisée pour définir le taux d’emprunt de nombreux prêts, ne seront qu’anéantis.

 

LES ANNULATIONS DE DETTES OPÉRÉES DANS LA DÉCENNIE PASSÉE N’ONT PAS MANQUÉ DE LAISSER DE MAUVAIS SOUVENIRS

 

C’est le lieu de rappeler que les annulations de dettes opérées dans la décennie passée à la suite de l’initiative PPTE, n’ont pas manqué de laisser de mauvais souvenirs tant au niveau des créanciers privés que des prêteurs bilatéraux publics dont certains ne sont d’ailleurs plus jamais revenus financer nos États, si ce n’est par l’octroi de dons.

 

Or, au regard de la faiblesse de l’épargne intérieure et du secteur privé, la dette, la bonne, aux meilleures conditions de coût et de durée, est essentielle pour mettre nos économies sur un sentier de croissance soutenue et durable.

 

Dans ce cadre, il me plaît d’approfondir les propositions suivantes contenues dans la lettre adressée cette semaine, par le Président Patrice Talon aux dirigeants du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale :

 

1- Aider à la mobilisation urgente de liquidité nouvelle en lieu et place des annulations ou moratoires de dette.

 

Les besoins urgents exprimés par l’Afrique se chiffrent à 100 milliards de dollars (dont 44 milliards pour le service de la dette). Une nouvelle allocation en Droits de tirages spéciaux du FMI tant débattue devrait être envisagée. Elle permettrait d’apporter une réponse rapide et efficace aux besoins des pays les plus vulnérables tout en préservant la soutenabilité de leur dette.

 

Cette solution n’est pas nouvelle et fut mise en œuvre avec succès lors de la précédente crise financière mondiale de 2008 où 250 milliards de dollars furent débloqués rapidement. Par ailleurs les importantes liquidités mises en œuvre dans plusieurs grands espaces économiques ces derniers jours sont édifiantes.

 

2- Relancer les économies africaines via des financements concessionnels.

 

Les institutions multilatérales et les banques de développement devraient mettre à profit leur qualité de crédit pour mobiliser individuellement des ressources concessionnelles ou semi- concessionnelles pour le financement des économies africaines, à un moment où leur accès aux financements à taux presque nul est intact, contrairement aux pays africains.

 

L’ENDETTEMENT RESPONSABLE EST UN MEILLEUR CHOIX QU’UN APPEL À L’INDULGENCE

 

Collectivement, elles pourraient mutualiser leurs qualités de crédit au sein d’un nouveau véhicule ad hoc, dédié à un plan de reconstruction d’une ampleur sans précédent pour nos pays. Le Mécanisme européen de stabilité pourrait constituer une bonne source d’inspiration pour créer un véhicule supranational ayant le statut de créancier privilégié et réunissant les partenaires au développement. Ce mécanisme pourrait proposer plusieurs types de programmes adaptés aux spécificités de chaque pays, allant de la ligne de précaution pour les pays sujets à des risques de refinancement à des lignes de financements de grands programmes d’investissement pour les pays aux fondamentaux macroéconomiques robustes.

 

Un exemple de programme pourrait consister à concentrer les efforts des partenaires au développement pour un investissement massif destiné à réduire significativement le gap en infrastructures de base. Pour les pays à dette non soutenable, ce véhicule pourrait racheter de la dette à décote et obtenir une réduction de l’endettement à faible coût afin d’éviter une restructuration de dettes futures aux conséquences économiques souvent désastreuses.

 

Pour finir, les appels à l’allègement de la dette ont un côté « déjà vu » avec des résultats controversés. L’option d’un soutien à l’endettement adéquat et responsable me semble un meilleur choix qu’un appel à l’indulgence. Il est également impératif qu’il serve à répondre à des besoins concrets, avec efficacité et efficience. Ceci appelle à la transparence dans sa gestion »

 

 



Antonin HOUNGBADJI
 
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