Il est l’un des cadets du gouvernement, mais occupe une place centrale dans le dispositif de Patrice Talon depuis le début de son mandat. Cinq ans après avoir pris les commandes de l’économie béninoise, Romuald Wadagni dresse un bilan de son action avec le sentiment du devoir accompli.
Il paraît infatigable. À 44 ans, le ministre béninois de l’Économie, des Finances et des Programmes de dénationalisation est sur tous les fronts. Depuis cinq ans, c’est Romuald Wadagni qui tient les cordons de la bourse. C’est lui qui a été l’un des principaux artisans de la restructuration de la dette du Bénin.
Lui aussi qui court les marchés internationaux en quête de financements pour alimenter l’ambitieuse politique d’investissements lancée tous azimuts dans le cadre du Programme d’actions du gouvernement. Et le double choc de la crise liée au Covid-19 et de la fermeture des frontières par le Nigeria n’aura pas été le moindre des obstacles à franchir.
Sa dernière « victoire », il en est fier, est d’être parvenu à boucler une importante opération de levée de fonds sur les marchés financiers internationaux. Au terme d’âpres négociations, le Bénin a en effet émis des eurobonds, le 12 janvier, pour la seconde fois depuis le début du mandat de Patrice Talon.
Deux eurobonds totalisent ainsi 1 milliard d’euros : le premier de 700 millions d’euros, sur sept ans, avec un taux de 4,875 % ; le second de 300 millions d’euros, sur trente et un ans, avec un taux de 6,875 %. C’est le signe que les banques internationales ont fait confiance au pays. Et même s’il a fallu au jeune ministre se montrer convaincant auprès de celles qui doutaient de la capacité du pays à lever des fonds à plus de trente ans, le carnet d’ordres a été de 3 milliards d’euros.
À l’approche de la fin du mandat du président béninois, et alors que Patrice Talon s’apprête à briguer un second mandat, Romuald Wadagni dresse le bilan.
Jeune Afrique : Vous terminez dans quelques mois un « mandat » de cinq années à la tête du ministère des Finances et de l’Économie. De quoi êtes-vous le plus fier ?
Romuald Wadagni : Avoir l’opportunité de travailler aux côtés du président Patrice Talon à la mise en place et à l’exécution d’un programme ambitieux qui assainit et prépare le Bénin pour le futur.
Ce programme contient une batterie de réformes et d’investissements structurants pour l’ensemble des secteurs d’activité, particulièrement l’économie et les finances, et vise à mettre le pays sur les rails du développement, en nous fournissant les conditions d’une croissance durable et inclusive. Ces réformes ont transformé le Bénin et l’ont hissé au rang des pays avec lesquels il faut désormais compter en Afrique. C’est la fierté de tout un peuple.
L’année 2020 aura été une « annus horribilis »… Combien de temps faudra-t-il au Bénin pour retrouver les – bonnes – tendances observées auparavant ?
C’est vrai que 2020 a été difficile pour le monde entier. Elle a toutefois aussi permis au pays de montrer sa résilience. Sur le plan des réformes, le rythme n’a pas du tout baissé. Dès 2016, nous avons lancé un certain nombre d’investissements dans le domaine du numérique pour nous permettre de numériser et d’améliorer la collecte de nos recettes. Ces réformes ont porté leurs fruits.
Malgré les conditions difficiles, le Bénin est parvenu à dépasser les prévisions de recettes intérieures réalisées avant la crise. Nous affichons un taux de croissance positif, le deuxième meilleur en Afrique subsaharienne. Et dès cette année, nous retrouverons le sentier de la forte croissance qui était le nôtre avant la crise.
Pour faire face au Covid, le FMI a débloqué par deux fois des enveloppes d’urgence (125 millions de dollars en mai, puis 177 millions le 21 décembre). Mais c’est aussi, pour partie, de la dette en plus…
Comme vous le savez, des institutions comme le FMI sont très attentives à l’incidence de leurs financements sur les niveaux d’endettement des pays. Ceux que nous avons obtenus des partenaires au développement, notamment le FMI et la Banque mondiale, ont eu un impact assez marginal sur notre niveau d’endettement, qui demeure en dessous de la norme communautaire de 70 %.
Craignez-vous un impact sur le niveau de confiance des investisseurs à l’égard du Bénin ?*
Bien au contraire, plusieurs raisons militent en faveur d’un très bon niveau de confiance de ces derniers envers notre pays. La première, c’est la qualité de notre stratégie de riposte face à la crise du Covid-19. La deuxième, c’est le respect des engagements du Bénin vis-à-vis de ces investisseurs. Malgré le contexte, le pays a honoré l’ensemble de ses échéances de dettes pour l’année 2020.
Autre fait remarquable : au cours de cette période, l’agence S&P a maintenu notre note B+ avec « perspective stable », alors que plusieurs pays du continent ont vu la leur dégradée.
L’inflation, cependant, est repartie en hausse (3 %). Cela n’annule-t-il pas le maintien d’une croissance positive de 2 % pour 2020 ?
Non, car nous parlons ici d’une croissance réelle. C’est-à-dire de la croissance résiduelle après abstraction des effets de l’inflation. C’est celle-là qui est positive. Il faut aussi saluer les efforts des autorités de la zone pour contenir l’inflation, comparativement à d’autres pays africains dont les taux d’inflation sont nettement plus élevés et peuvent parfois atteindre les deux chiffres.
Vous envisagez une croissance de 6 % en 2021. N’est-ce pas un peu optimiste ?
Non, pas du tout. D’abord, il y a un effet de rattrapage ou de reprise. L’économie était sur un sentier de croissance de 7 % avant la crise. La sortie de cette période difficile correspond généralement, toutes choses égales par ailleurs, à un rebond.
Ensuite, l’année 2021 connaîtra l’arrivée à maturité de plusieurs grandes réformes, notamment dans le secteur agricole.
De même, les grands projets d’investissement qui avaient enregistré un ralentissement en raison de la pandémie ont tous repris, avec des effets induits sur l’économie.
Enfin, certains grands projets devraient démarrer cette année. D’autres ont déjà débuté en 2020 et devraient connaître un renforcement de leurs activités en 2021. C’est le cas de la firme britannique Blue Skies (agroalimentaire). Dans ces conditions, la prévision de 6 % ne nous paraît pas du tout optimiste. Même dans l’hypothèse où la crise sanitaire perdurerait durant toute l’année 2021, ce taux nous paraît réalisable.
Le budget vient d’être adopté, en hausse de 285 milliards de F CFA [434,5 millions d’euros], pour atteindre 2 452 milliards [environ 3,74 milliards d’euros] en 2021.
Vous l’avez défendu devant les parlementaires en mettant notamment en avant l’augmentation des dépenses sociales. Quelle est la part accordée à ces mesures ?
Le budget fait face au double défi de la résilience de notre économie et de sa relance après les chocs endogènes et exogènes subis. Globalement, le tissu social collectif sera renforcé en 2021 avec un volet de crédits qui s’établit à plus de 350 milliards pour les dépenses sociales prioritaires et un autre à plus de 760 milliards pour celles à sensibilité sociale.
Les plus importantes sont la couverture intégrale des programmes de gratuité dans le secteur scolaire, la délivrance d’actes de naissance à plus de 2 millions de Béninois, l’accélération du plan d’« accès universel à l’eau pour tous d’ici à 2021 », l’introduction d’un nouveau programme d’insertion dans l’emploi destiné à donner aux jeunes les aptitudes nécessaires pour voler de leurs propres ailes ou les compétences requises pour se faire recruter après deux années d’immersion en entreprise. Et, enfin, les subventions et autres appuis financiers aux ménages.
À tout cela, s’ajoutent les mesures de soutien décrétées par le gouvernement dans le cadre de la lutte contre la pandémie de Covid-19.
Le Bénin est passé dans les pays à revenu intermédiaire [dont le PIB supérieur de 1250 dollars par habitant]. Mais cela signifie-t-il que les inégalités ont reculé ?
L’augmentation du PIB du Bénin et son nouveau classement parmi les pays à revenu intermédiaire ne sont que le couronnement des actions de l’État depuis 2016 pour diversifier l’économie et créer plus de richesse. Sans cela, on ne peut rien partager.
Toutefois, l’État reste préoccupé par la question du partage équitable de la richesse créée. Les prévisions de dépenses sociales prioritaires ont toujours été systématiquement dépassées. L’État met également en œuvre des programmes sociaux d’envergure, dont le projet Assurance pour le renforcement du capital humain (Arch), qui cible les personnes pauvres et extrêmement pauvres et propose de nombreux services (microfinance, formation, assurance maladie, retraite…).
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