Laurent Metongnon, président
La loi de finances exercice 2017 de l'Etat a été passée au scanner par Laurent Metognon et compagnies
ANALYSE ET CRITIQUE DU BUDGET DE L’ETAT 2017 PAR LA CPFG
Mrs les Premiers responsables du PCB, PSD-le Bélier, du CDP ;
Mrs les membres de la Direction de la CPFG ;
Mmes et Mrs les journalistes ;
La sous-commission de la Commission Technique Pluridisciplinaire de Gouvernance Patriotique près la Convention Patriotique des Forces de Gauche, des Finances, Economie et Bourse, que je préside, a l’honneur de vous présenter, hommes des médias, ce jour mardi 6 décembre 2016, l’analyse et la critique que fait la CPFG du premier projet de budget du gouvernement de la rupture pour un nouveau départ.
L’exercice a consisté essentiellement à voir dans ce budget ambitieux, le choix du développement économique et social opéré pour notre pays et à travers les grands axes, voir si le partenariat public-privé est-il le remède efficace trouvé lorsqu’un opérateur économique prend les rênes de l’Etat et urbi et orbi le slogan devient : « l’Etat gère mal, seul le privé gère bien » alors qu’il a pris les rênes de l’Etat pour assurer en principe sa bonne gestion.
Enfin nous dégagerons les aspects positifs et négatifs de ce budget et conclurons par quelques suggestions.
I- Les prémisses d’une critique.
Comme vous le savez, Mmes et Mrs les journalistes, par Décret N°2016-615 du 05 octobre 2016, le Gouvernement a transmis à l’Assemblée Nationale le projet de budget pour la gestion 2017. Il s’agit au fait, de l’expression chiffrée du programme du gouvernement pour l’année 2017. Ce budget porte pour la tranche temporelle d’une année l’incarnation d’une Option, d’une Vision donnée pour un mandat politique déterminé. Le Gouvernement vient de porter dans le même temps-du moins pour ce qui est exposé- à l’attention du peuple, l’expression de son Programme d’Action. L’analyse et la critique d’un tel budget ne sauraient s’effectuer tout simplement par appréciation des données chiffrées, mais surtout par la critique des vues et options qu’il contient. L’appréciation d’un Budget ne se limite pas à une simple volonté affirmée, ou à une ambition pour le «développement économique et social du Bénin» ; elle s’appuie surtout sur les fondamentaux : les choix opérés, (les leviers) tant politiques qu’économiques qui fondent ce choix et impulsent oui ou non un développement rapide, harmonieux réel d’un pays.
Tout gouvernement parle et affirme vouloir développer son pays, l’amener à « l’émergence » ; des expressions abondent dans ce sens « faire du pays le « Dragon » « le Tigre » du monde. Mais entre cette affirmation ou cette intention et les voies à emprunter pour y parvenir il y a un véritable fossé que bon nombre répugnent à emprunter.
En quoi consiste le développement ? Et quelles sont les voies à emprunter pour y conduire ?
Le développement d’un pays comme le nôtre, consiste à faire passer ce pays du niveau actuel d’Etat arriéré, à économie de traite basée essentiellement sur une agriculture archaïque avec la prégnance de la monoculture cotonnière et la manne portuaire, à une économie industrielle et développée et ce en un laps de temps optimum donné.
En fait, le développement ne se résout pas en termes d’objectif. Il est le résultat d’un processus de production, le résultat de choix politiques et surtout économiques opérés à un moment donné. Les premiers pays du monde qui ont atteint la phase développée (Angleterre, France, Allemagne) ne se sont jamais fixés pour objectif le développement. Puisque le développement est toujours résultat de choix économique et de processus au bout duquel il advient. En ces termes, les deux choix ou options fondamentales existantes se déclinent en les deux principes que sont :
1°- Option basée essentiellement sur le profit individuel, sur la recherche maximum de profits privés ;
2°- Option basée sur la satisfaction des besoins sans cesse croissants (besoins individuels et collectifs) des hommes dans une communauté.
L’une ou l’autre option peut aboutir au développement ; mais selon les données de l’histoire, le seul pays qui ait atteint le développement du seul fait de recherche de profits privés maximum, sans que l’Etat n’ait joué quelque rôle important dans l’atteinte du développement c’est l’Angleterre. C’est le seul pays, le premier au monde où l’Etat n’a pas joué quelque rôle dans l’atteinte du développement. La France, l’Allemagne qui ont suivi à quelques décades d’intervalle ont tous fait jouer à l’Etat (c’est-à-dire les intérêts collectifs) un rôle d’impulsion déterminant. Il en a été de même du Japon de l’ère MEIJI, sans parler aujourd’hui de la Chine, du Brésil des colonels, de l’Afrique du Sud.
L’option première, celle de tout privé, peut aboutir au développement, mais le processus basé sur la sacro sainte loi du marché et du profit fait que le développement est très long et pénible pour les hommes avec beaucoup de morts et de sacrifices inutiles.
Mmes et Mrs les journalistes, il s’agit là de « L’Etat sauvage » peu soucieux de la vie des hommes comme l’expérience américaine l’a montré, avec l’esclavage et puis la ségrégation raciale et comme l’a révélé dernièrement la crise de 2008 aux USA. Aujourd’hui avec la mondialisation actuelle, l’avancée de l’éthique et de la démocratie ainsi que l’imbrication très serrée du capitalisme au plan mondial, un tel processus a peu de chance d’aboutir. Comme souligné plus haut, c’est cette deuxième option qu’ont empruntée la plupart des pays du monde pour aboutir au développement.
Par exemple, jusque au moins les années 1980 en France, toutes les grandes entreprises, tous les grands leviers de production appartenaient à l’Etat : enseignement et recherche, énergie (électricité, gaz), finances (banques, assurances), infrastructures et transport (ports, aéroports, chemins de fer,), télécommunications, santé, sans parler du secteur structurant de l’époque qu’est le secteur automobile avec Renault etc. etc. Pour un développement rapide et harmonieux du Bénin, l’option deuxième est la plus appropriée : elle privilégie le capital humain; sa formation, sa bonne santé afin de le rendre capable d’innover, et de produire. L’analphabétisme doit être enrayé.
Malheureusement, il apparaît que l’option choisie par le gouvernement du Président Talon dans le budget en cours d’examen à l’Assemblée Nationale, soit la première : à savoir –tout privé-, « l’Etat minimum », tous les leviers de commande économique du pays confiés aux intérêts privés. Le mot d’ordre à la mode de la gouvernance actuelle est que « l’Etat ne gère pas bien ; seul le privé sait le faire ». « L’Etat, est-il dit, s’emploiera désormais à utiliser son potentiel comme levier pour la mobilisation par le secteur privé des ressources financières nécessaires » Autrement dit, le potentiel de l’Etat sera au service du secteur privé et l’accès au service public conditionné par les capacités financières des populations. La loi sur le Partenariat Public-Privé apparaît comme devant servir de cadre à cette option. C’est grave et gravissime même pour des opérateurs nationaux qui se contentent pour la plupart de l’import-export.
Un budget doit pouvoir s’attaquer aux maux principaux qui minent le pays. Au Bénin, il s’agit de la persistance de l’économie arriérée et de traite avec pour causes l’analphabétisme massif et la démotivation des producteurs nationaux et travailleurs, et pour conséquences le sous-emploi et le chômage de la jeunesse, la misère, la morbidité et la famine généralisées.
C’est au regard de ces prémisses que nous avons examiné le projet de loi de finances exercice 2017.
II- EXAMEN DU BUDGET 2017
Pour le gouvernement, le budget 2017, repose sur l’orientation économique et sociale adoptée pour le quinquennat 2016-2021 dont l’objectif global est de « Lancer de façon durable le développement économique et social du Bénin ».(Source : Rapport de présentation)
Il privilégie principalement cinq (5) points d’application :
- l’investissement pour une agriculture d’envergure par le développement des filières à haute valeur ajoutée ; (ananas, anacarde et produits maraîchers), le développement de l’aquaculture continentale et le renforcement des filières conventionnelles (riz, maïs, manioc) ;
- la promotion de l’industrie de transformation et la professionnalisation de l’artisanat ;
- le développement du capital physique et des infrastructures (routes, énergie, TIC, notamment)
- la promotion du capital humain de qualité et attractif pour les créateurs de richesse à travers la mise à niveau des systèmes éducatifs et sanitaire ;
- le développement du tourisme, l’aménagement et la viabilisation du territoire.
Les résultats attendus de la mise en œuvre des choix budgétaires opérés permettront d’atteindre les objectifs économiques ci-après.
- Un taux de croissance du PIB réel de 6% contre 5% attendu à fin 2016.
- Un taux d’inflation maîtrisé autour de 1,2%¨en dessous de la norme communautaire de 3%
- Un taux de pression fiscale de 13,18%
- Un solde courant de la balance des paiements qui ressortirait déficitaire de 13,4% du PIB
- Un taux budgétaire hors PIP, dons compris qui ressortirait excédentaire de 1,5% du PIB et un solde budgétaire global déficitaire qui s’établirait à 12,3% du PIB.
Cette vision globale ainsi présentée par le Ministre des finances le lundi 7 Novembre 2016, affiche l’objectif du gouvernement qui est de « bâtir une croissance inclusive et durable dans un environnement apaisé de démocratie et de liberté, basé sur (03) piliers essentiels et (07) axes stratégiques à savoir :
Pilier 1 : Démocratie, Etat de Droit et Bonne Gouvernance avec deux axes stratégiques dont le 1ersera pour le renforcement des bases de la démocratie et l’état de droit et le 2ème portera sur l’amélioration de la gouvernance.
Pilier 2 : Transformation Structurelle de l’Economie avec trois axes stratégiques devant s’intéresser respectivement à l’assainissement du cadre macroéconomique et maintien de la stabilité, à l’amélioration de la croissance économique, et à l’amélioration des performances de l’éducation.
Pilier 3 : Amélioration des conditions de vie des populations avec deux axes stratégiques pour le renforcement des services sociaux de base et la protection sociale et le développement équilibré et durable de l’espace national.
L’examen de la pratique de 7 mois de gouvernance de la rupture, indique l’état des "piliers" sur lesquels le pouvoir déclare s’appuyer. Le pilier 1, « démocratie, Etat de droit et bonne gouvernance » est déjà en piteux état et tend même à se dégrader. L’interdiction des organisations estudiantines, les attaques contre les libertés de manifestations et de presse, la fermeture arbitraire de média audio-visuels sont incompatibles avec la démocratie. L’opacité des audits, des scandales avérés et la non poursuite des auteurs dans les affaires Machines agricoles, Icc-services, Maria-gléta, concours frauduleux et crimes crapuleux (DANGNIVO, dame SOHOUNDJI) etc. la poursuite des marchés gré à gré, les nominations de remerciement et de placement, n’indiquent rien de bon en ce qui concerne l’amélioration de la gouvernance au Bénin. L’Etat de droit est donc bafoué. Dans ces conditions, rien ne garantit la bonne gestion des ressources budgétaires pour le redressement au profit du pays et ces ressources ne serviront que les ambitions de ceux-là qui veulent et peuvent continuer de s’enrichir aux dépends du pays.
Les mesures de concentration des leviers de l’économie dans les mains d’un clan avec les liquidations des entreprises publiques (la Société Nationale de Promotion Agricole (SONAPRA), la Centrale d’Achat des Intrants agricoles (CAIA-SA), l’Office National d’Appui à la Sécurité Alimentaire (ONASA), l’Office National de Stabilisation et de Soutien des Prix des revus agricoles (ONS) ont été liquidés et le Fonds National de Développement Agricole (FNDA) confirmé comme l’un des principaux instruments de financement agricole) et la suppression des emplois pendant que les petits producteurs et artisans dans les villes sont pressurés par toutes sortes de mesures répressives, l’augmentation des charges scolaires et universitaires sur les parents vont à l’encontre du pilier 3, amélioration des conditions de vie des populations.
Ceci étant dit, quels sont les grands axes du Budget Général de l’Etat ?
2-1 Les grands axes du budget général de l’Etat.
Un budget, c’est les recettes et les dépenses. Et qui dit recettes interroge l’environnement international et national. Selon l’évolution de la croissance économique mondiale de 2015 à 2017(Source : FMI, Perspectives de l’économie mondiale, octobre 2016 et Lois de finances gestions 2015 à 2017 au Bénin), l’environnement économique international, régional et national est peu favorable avec la baisse du cours du pétrole entre 2015 et 2016 surtout au Bénin avec le recul de l’activité économique avec le Nigéria dû à la baisse du cours du naira et de l’importation de certains produits vers notre géant de l’Est par voie terrestre, les réformes annoncées au port de Cotonou et le retour du PVI sans l’implication inclusive de tous les acteurs portuaires. Cette tendance baissière est remarquée aussi au niveau de la plupart des partenaires techniques au développement de notre pays de même que la Chine. La première conclusion à tirer est que le projet de budget déposé au parlement, en tablant sur une croissance stable de 5% entre 2015 et 2016 pour projeter une croissance de 6% en 2017 alors que le rapport sur les Perspectives Economiques en Afrique table sur une projection de taux de croissance de 5,7% en 2017 pour le Bénin si certaines conditions sont réunies, est trop optimiste.
2-1.1 Les recettes du projet de la loi des finances de 2017.
Les prévisions de recettes, se chiffrent à 1 007,725 milliards de FCA, en hausse de 6,24% par rapport à la loi des finances rectificative qui s’élèvent à un montant de 948,519 milliards de FCFA. Soit 798,702 milliards pour les recettes fiscales, 209,024 milliards pour les recettes non fiscales, 68,000 milliards pour le trésor, 60,300 milliards pour les Fonds de concours et dons de projets etc. Source : Rapport de présentation du budget.
Les recettes fiscales (douane, impôts) qui fournissent environ 80% des recettes totales connaissent un accroissement de 27,302%. Alors que la tendance actuelle compte tenu de la conjoncture économique au Nigeria est plutôt à la baisse.
Le gouvernement pour financer ses ambitions a eu recours à des mesures fiscales nouvelles qui frappent les pauvres telles :
- La suppression de l’exonération sur le matériel informatique et les groupes électrogènes ; (le matériel informatique et les groupes électrogènes étaient exonérés) ;
- Les gains de jeux de hasard sont soumis à une contribution spéciale de 15% retenue à la source (sans compter avec leur participation déjà aux frais généraux de ces entreprises par l’achat des tickets) ;
- L’institution d’une taxe d’entretien des infrastructures routières ; (cette taxe concerne les véhicules à quatre roues immatriculés au Bénin et utilisés pour le transport privé des personnes ou des marchandises) ; autrement dit le retour de la vignette.
Le gouvernement compte par ailleurs sur une hausse de l’activité d’égrenage en lien avec l’augmentation attendue de la production de coton qui devra connaître un accroissement de 30%. D’une amélioration projetée de la production vivrière et celle du coton au titre de la campagne 2017-2018, il devrait en découler selon le gouvernement, une hausse de recettes publiques.
2-1.2 Les dépenses du projet de la loi des finances de 2017.
Le gouvernement a adopté en juin 2016, le Document de Programmation Budgétaire et Economique Pluriannuelle (DPBEP) après avis de l’Assemblée Nationale qui devrait servir de boussole aux projections de prévisions de ressources et de dépenses pour le programme triennal 2017-2019. Les dépenses devraient tourner autour de 1.214,4 milliards de FCFA au lieu de 1.697,986 milliards de FCFA. Le Gouvernement en décidant de sortir du cadrage macroéconomique a fait une option qui pose le problème récurrent de la sincérité des prévisions de dépenses souvent reprochée aux gouvernements passés.
Sur les prévisions budgétaires équilibrées en recettes et en charges de 2.010,586 milliards, avec des recettes prévisionnelles de 1.007,725 milliards et des dépenses prévisionnelles de 1.697,986 milliards de FCFA. Comme le dit en conclusion le rapport de présentation du budget « Le budget Général de l’Etat pour la gestion 2017 affiche un besoin de financement important de 1.002,861 milliards de CFA ».
Comment combler le déficit budgétaire de 690,261 milliards et les charges de trésorerie estimées à 312,600 milliards ? Trois voies sont indiquées dans le Rapport :
- le recours au Partenariat Public-Privé (PPP)
- le recours aux ressources concessionnelles (recours en fait aux PTF, surtout aux emprunts multi latéraux))
- le recours à l’endettement classique ; c’est-à-dire le recours aux emprunts obligataires.
III- Répartition par rubrique de quelques dépenses.
L’augmentation du budget Général de l’Etat exercice 2017 d’un taux de 41% est due essentiellement à l’augmentation du Programme d’Investissement Public (PIP).
3-1 Du budget de fonctionnement.
Les ministères ayant absorbés les plus gros montants dans le budget de fonctionnement qui est d’un montant de 761,125 milliards sont les suivants : Ministère des Infrastructures et des Transports avec 162,699.574 milliards CFA soit 12,43% de tout le budget soit une croissance de 163% par rapport à l’année 2016 ; Ministère de l’Energie, de l’Eau et des Mines : 148,895.352 milliards soit 11,31% ; Ministère du cadre de vie et du développement durable : 147,912.946 milliards soit 11,30% en augmentation de 316% par rapport à l’année précédente ; Ministère de l’enseignement maternel et primaire : 107,791. 271 milliards, soit 8,23% ; Ministère de l’agriculture de l’élevage et de la pêche : 106,847.396 milliards soit 8,16%. Quant au Ministère de la santé, il enregistre le montant de 81,065.631 milliards CFA…Même le ministère du cadre de vie dépasse en dotation budgétaire celui de la santé, et réunit pratiquement les ministères des enseignements secondaires et supérieurs, qui sont respectivement de 75,232.443 milliards et 74,214.621 milliards CFA. Le ministère de la culture est noyé dans le tourisme. L’éducation et la santé sont ainsi négligées dans la perspective de l’élargissement du secteur privé, donc de l’augmentation des difficultés d’accès du plus grand nombre, dans ce pays où 63% vivent avec moins de 1,25 dollar par jour, selon les statistiques officielles.
3-2 Du Programme d’Investissement.
Le Programme d’Investissement Public hors PPP, quant à lui, d’un coût total de 808,32 milliards de FCFA contre 280,91milliards de FCA en 2016, soit une hausse de 187,8%, est essentiellement financé à hauteur de 71,2% par les ressources internes et pour 28,8% par les PTF. Il est répartit par secteur comme suit : 57,3% pour « les secteurs productifs avec en tête les infrastructures (19,9%), eau et électricité (15,5%), rural (10,6%) ; les secteurs sociaux représentent (32,9%) dont principalement l’environnement (10,5%), l’éducation (7,8%) et la santé (3,0%). L’Administration représente 9,8%. En dehors du PIP, plusieurs projets phares seront conduits par les Agences spécialisées pour renforcer les investissements à travers les financements privés, notamment le Partenariat public-privé. (Source : extrait de la présentation du Ministre d’Etat chargé du Plan et du Développement, devant la représentation nationale le 08 novembre 2016).La coordination de la supervision des opérations de ces projets, d’un montant de 341 milliards sur un montant total de 1 149 milliards de FCA pour l’année 2017 (source DGAE), est placée sous la conduite des agences et sera assurée par le Bureau d’Analyse et d’Investigation (BAI) de la Présidence de la République.
IV- La critique du projet de loi de finances 2017.
4-1 Les points positifs du projet de loi des finances 2017 :
- le recrutement de 10.349 agents de l’Etat pour un montant prévisionnel de 17,7milliards de FCFA même s’il s’agit pour la plupart de la reconversion de vacataires en APE. (les postulants les plus nombreux à ce concours sont les vacataires) ;
- la réforme des avancements dans la fonction publique dont la finalité permettra en 2017 que les soldes et accessoires soient liquidés sur la base de l’indice réel acquis ceci pour éviter les arriérés salariaux.
- Un effort en matière d’infrastructures, eau et électricité.
- Un appui sur les opérateurs économiques béninois plutôt que sur l’extérieur. (une certaine indépendance vis- à- vis de l’extérieur).
- l’assainissement du climat des affaires, l’autonomie énergétique et la relance de l’économie ;
- l’option d’aller sur le marché monétaire pour des emprunts obligataires et dépendre moins des PTF
- l’achèvement des bâtiments administratifs en construction pour réduire significativement les loyers et charges locatives ;
- Le recours en priorité aux véhicules de l’Etat pour les manifestations officielles et autres activités courantes des services publics ;
4-2 Les points négatifs du projet de loi de finances 2017.
Le projet de budget exercice 2017 vise à pressurer les couches populaires et enrichir les plus riches par la création de nouveaux impôts :
- La suppression de l’exonération sur le matériel informatique et les groupes électrogènes ; (le matériel informatique et les groupes électrogènes étaient exonérés) ;
- La taxation des gains de jeux de hasard désormais soumis à une contribution spéciale de 15% retenue à la source ;
- L’institution d’une taxe d’entretien des infrastructures routières ; (cette taxe concerne les véhicules à quatre roues immatriculés au Bénin et utilisés pour le transport privé des personnes ou des marchandises) ; autrement dit le retour de la vignette.
Si l’on ajoute à tout cela, la suppression de la gratuité à l’école pour les filles du second cycle ; le rétablissement en vue du droit d’inscription dans les universités qui seraient portées jusqu’à 50.000 CFA, (montant supérieur au SMIG officiel), les déguerpissements des petits commerçants et artisans des abords des voies publiques sans création préalable de marchés de regroupement locaux dans les quartiers sur des emplacements réservés et qui ont été illégalement bradés, on voit bien que la politique du gouvernement actuel vise d’avantage à affamer les pauvres et à enrichir les riches par :
- L’exonération des droits et taxes de douane et de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur les autobus, autocars et minibus de toutes catégories, importés, fabriqués ou vendus à l’état neuf en RB et destinés au transport en commun ;
- La réduction du taux spécial de la taxe de statistique pour la réexportation des produits pétroliers ;
- La défiscalisation et les allègements fiscaux en faveur des riches (comme gratuité des droits d’enregistrement, etc.)
- Avec la création et la mise en place d’une flotte de taxis dans les villes, sans aucune perspective pour l’emploi de plus de cent (100) mille zémidjans au moins dans la seule ville de Cotonou et l’émergence de nouveaux riches.
La théorie de ruissellement par le haut vers le bas selon laquelle la politique de création de richesse (en haut pour les riches) finit par ruissellement à améliorer le sort des ouvriers et des pauvres a partout échoué . Cela a créé et accentué les inégalités sociales plus profondes et des crises économiques toujours plus graves. Les politiques qui ont marché sont celles créant davantage de pouvoir d’achat à la grande masse laborieuse pour une demande économique plus forte. Pour le développement accéléré (nécessairement capitaliste à cette étape) de notre pays, il faut permettre et garantir aux producteurs nationaux le large accès à la connaissance, à l’information, au crédit, aux marchés. Il faut donc supprimer de façon énergique et déterminée les entraves à ces accès. Comme dit plus haut, dans un pays comme le Bénin, avec un fort taux d’analphabétisme, une agriculture archaïque, et la prévalence de maladies les plus diverses et la non couverture sanitaire de la population, ce budget passe complètement à côté de la plaque. La proportion des ressources consacrées à ces secteurs fondamentaux l’indique largement.
V-Propositions et Suggestions
Les mesures de taxes et d’impôts contenus dans ce projet de loi des finances, la multiplication des frais et charges scolaires et universitaires sur les parents sont à revoir car, écrasent les pauvres, les petits commerçants, artisans, ouvriers, fonctionnaires et favorisent les grands opérateurs économiques et producteurs à l’image de la gratuité des droits d’enregistrement.
Un tel budget qui s’inscrit dans la gouvernance traditionnelle de non-participation et contrôle du peuple avec l’ambiance d’impunité est propice à toute dérive qu’il faut arrêter. Aujourd’hui les secteurs prioritaires doivent être l’éducation, les infrastructures (routes, rails, télécommunications) énergie, l’industrie, eau, la santé et l’agriculture.
- L’Ecole : Accroître la productivité des producteurs béninois par l’instruction de tous les citoyens, notamment à travers leurs langues maternelles. Ceci passe par la suppression de toutes les entraves comme les Nouveaux Programmes d’Etudes (NPE), du LMD, l’analphabétisme, la suppression totale des contributions scolaires.
- La santé : Il en est de même de la santé avec 3% du budget d’investissement. L’objectif immédiat pour notre population, c’est l’obligation de soins à toute personne malade et qui se présente à un centre de santé avant toute question de modalités de remboursement des frais ainsi occasionnés. Et ce n’est pas en privatisant la gestion de nos hôpitaux (sous forme d’affermage et autres modes de gestion privée) que l’on peut parvenir à cet objectif.
- L’industrie : Le pouvoir fait de la limitation de l’énergie, l’obstacle majeur de l’industrialisation. Mais, si l’on sait que sans industrialisation, le pays ne peut être développé, l’on doit sentir une orientation nette dans ce domaine. Prenons un exemple. Selon les résultats du dernier recensement de la population, près de 80% des ménages au Bénin dispose d’un téléphone portable fonctionnel. C’est dire le besoin en matière de télécommunication et de l’informatisation de la vie du pays. Un plan d’industrialisation orienté vers le montage du matériel informatique au Bénin en vue de l’informatisation de la vie du pays et du coup de la mise en place de possibilité de l’automatisation des opérations de production dans tous les autres domaines est possible. On ne peut continuer de faire cultiver le coton et de faire l’agriculture comme avant. Pis les opérateurs économiques béninois ne font que de l’import-export. Aucune ambition d’industrialisation comme DANGOTE du Nigéria à côté.
- L’Agriculture : Quant à l’agriculture, avec aujourd’hui -l’extrême morcellement et petitesse des exploitations agricoles au Bénin estimées à 569.672 dont 75% sont de petites tailles (0,50 ha à 2 ha), selon les statistiques de la Direction de la Programmation et de la Prospective du Ministère de l’Agriculture et de la Pêche, il n’y a point de développement possible sans l’aide au remembrement des terres à la campagne, autrement dit sans l’aide à la coopérativisation à la campagne. Le rôle régalien de l’Etat ici plus qu’ailleurs s’impose pour un développement rapide à la campagne ; un désengagement étatique à ce niveau serait une catastrophe. Au regard de cela, l’orientation en matière agricole affichée par le gouvernement va dans le sens opposé. Ce rôle régalien à la campagne doit aller jusqu’à la création d’une Banque publique agricole pour faciliter l’accès aux crédits aux paysans. Sans le rôle régalien de l’Etat, on ne peut aider les paysans dans la maîtrise de l’eau, l’irrigation, les retenues d’eau de toutes sortes. Et ces investissements structurants, on voit mal un privé le faire.
- La transformation progressive des produits agricoles fera appel aux industries de pointe certes mais aussi et surtout aujourd’hui à l’’aide de la coopérativisation des artisans dans le sens de leur regroupement en grandes manufactures et en fabriques, l’aide de l’Etat est indispensable à la formation continue des artisans pour le maintien et l’élévation constante de leur niveau technique.
En guise de conclusion.
Pour un développement rapide et harmonieux du Bénin, l’option deuxième est la plus appropriée : elle privilégie le capital humain; sa formation, sa bonne santé afin de le rendre capable d’innover, et de produire. L’analphabétisme doit être enrayé. Ensuite, on ne peut être viable qu’en étant de son temps ; alors on doit s’accrocher à la locomotive de tête (ne serait-ce qu’au dernier wagon) en matière de la force de production. L’accrochage à une politique d’accélération numérique et l’informatisation générale de tous les secteurs du pays constituent les leviers fondamentaux d’une politique rapide pour le développement. Il suffit de savoir qu’on ne saurait atteindre le développement avec plus de 70% d’analphabètes pour comprendre ce que nous voulons dire. A ce niveau, le rôle de l’Etat, le rôle du capitalisme d’Etat a toujours constitué la voie idoine la plus rapide de développement.
L’option du tout privé et la continuité du système d’impunité et de mauvaise gouvernance ne créeront pas les bonnes conditions de lancement d’une croissance durable au service du pays, mais la saine gestion du secteur public exige une lutte acharnée et efficace contre la corruption, contre l’impunité, pour sa bonne performance. Ses règles de gestion doivent se fonder sur la plus grande transparence, sur le contrôle citoyen pour les plus grandes facilités d’accès par le plus grand nombre et le droit à l’information.
Je vous remercie.
Pour la sous-commission de la Commission Technique Pluridisciplinaire de la Gouvernance près la CPFG, des Finances, Economie et Bourse :
Le Président
Laurent METONGNON
Administrateur des Finances et Trésor à la retraite.