Pour n'avoir pas été invité comme les autres partis par le président du Parlement à faire son mémorandum
Philippe Noudjènoumè
Le premier secrétaire Philippe Noudjènoumè du Parti communiste du Bénin (Pcb) a officiellement saisi le Président de l'Assemblée Nationale, Adrien Houngbédji pour lui notifier son indignation. Indignation relative à sa lettre N° 086/AN/PT/SP-C en date du 08 Mars 2019 par laquelle le Président de l'Assemblée nationale a invité pour « Concertation … les formations politiques ayant manifesté leur intérêt pour les élections législatives du 28 avril 2019 », qui n'a pas pris en compte le Pcb. « Dans cette lettre vous avez pris soin, en citant les formations politiques invitées à cette concertation, d'oublier le Parti Communiste du Bénin. Cette omission interpelle et fait se poser moult interrogations. Malgré cette colère, le Pcb a tout de même faire des propositions au nom dudit parti, vieux de plus de 41 ans pour une sortie de l'impasse électorale. Lire ci-dessous la correspondance adressée au président Houngbédji en date de 10 mars 2019 et signé de Philippe Noudjènoumè.
A.H.
Le Premier Secrétaire
A
Mr Adrien HOUNGBEDJI
Président de l'Assemblée Nationale
Porto-Novo
Objet : Invitation des Partis à faire des propositions
Monsieur le Président de l'Assemblée Nationale
Nous avons lu à travers les réseaux sociaux, une lettre N° 086/AN/PT/SP-C en date du 08 Mars 2019 par laquelle le Président de l'Assemblée nationale invite pour « Concertation … les formations politiques ayant manifesté leur intérêt pour les élections législatives du 28 avril 2019 ». Dans cette lettre, il est demandé aux formations politiques de vous « faire parvenir le lundi 11 Mars 2019 à 9h30, à votre Cabinet un mémorandum sur les suggestions pour les élections législatives inclusives ». Dans cette lettre vous avez pris soin, en citant les formations politiques invitées à cette concertation, d'oublier le Parti Communiste du Bénin. Cette omission interpelle et fait se poser moult interrogations.
Voulez-vous faire comprendre que le Parti Communiste du Bénin, qui a 41 ans de vie derrière lui, qui anime tous les jours la vie politique nationale par des propositions concrètes diverses, qui a déposé comme tout le monde le sait, son dossier complet de mise en conformité au Ministère de l'Intérieur, voulez-vous faire comprendre que ce parti n'a pas « manifesté son intérêt pour les élections législatives du 28 avril 2019 » ?
Comme tout parti politique aspirant au pouvoir, le Parti Communiste du Bénin (PCB) a toujours manifesté son intérêt à toutes les élections, événements politiques importants dans la vie d'un pays, que ce soit sous l'autocratie du PRPB ou depuis le Renouveau Démocratique. Il a eu à présenter des candidats aux élections législatives en 1995, 1999, 2007, 2015, et aux élections présidentielles de 1996 et de 2011. Les fois où il n'a pas présenté de candidat comme en 2016, son "intérêt" ainsi que sa participation ont été déterminants dans le rejet du projet de recolonisation du pays.
Aujourd'hui, comment peut-on omettre "l'intérêt" du PCB, malgré tout l'apport connu et prouvé que ce Parti fait et continue de faire au point de vue vision politique et surtout contribution positive (et avec d'effroyables sacrifices !) dans le sens de la démocratie et de l'avancement de ce pays, malgré des points de presse, des déclarations sur les prochaines élections législatives ?
Il est apparu nettement que le Parti Communiste du Bénin a toujours, de manière ouverte ou subtile, été l'objet d'ostracisme de la part de bon nombre des autres composantes de la classe politique de ce pays. Peut-on comprendre autrement cette omission ? Que la politique de probité, de patriotisme, de démocratisme conséquent du PCB soit à l'opposé de celles de bon nombre de partis de la classe politique, ne peut autoriser un dirigeant d'institution républicaine, ou de parti politique démocrate à ignorer le PCB. Il est à dire que mon Parti et ses militants ont assez subi de telles humiliations ; il doit être entendu que dorénavant, ils ne consentiront à en subir davantage sans réagir.
Du reste, quel est l'enjeu de l'heure ? Face à l'impasse créée par lui-même et enfin constatée, le Président de la République, Patrice TALON, après avoir déclaré le 25 février 2019 que ce n'est pas grave si l'opposition ne participait pas aux élections, a dû se résoudre le 06 mars 2019, à exprimer le souhait « qu'en son temps également, les élections soient de même nature, de même qualité, de même convivialité que ce qu'on a connu jusque-là ». L'objet de votre lettre, c'est la mise en oeuvre de ce désir du Chef de l'Etat d'organiser des élections « consensuelles », inclusives ». Doit-on comprendre que l'on combatte l'exclusion d'un côté en pratiquant l'exclusion de l'autre contre d'autres ? Dans ce cas, ne donnerait-on pas finalement raison au Président Talon ?
Cela dit, mon parti par ma voix, lors du point de presse du 6 mars dernier et la déclaration du 7 mars 2019 a défini l'enjeu de l'heure ainsi que la conduite à tenir en termes de propositions pour sortir de l'impasse actuelle.
Nos propositions que je reprends ici sont ainsi formulées.
1°- L'abrogation des deux lois : la loi 2018-23 portant charte des partis politiques, et la loi 2018- 31 portant code électoral et le retour aux Lois (charte et code électoral) ayant permis l'élection du Président Talon. Et la prise d'une loi abrogatoire de ces deux lois.
2°- L'abrogation des lois ci-après : la loi portant code pénal, la loi portant code numérique ; la loi 2018-13 du 02 Juillet 2018 créant la CRIET, enfin la loi sur la Fonction publique interdisant le droit de grève. Et la prise d'une loi abrogatoire de ces différentes lois et le retour aux lois antérieures.
3°-Enfin la prise d'une loi d'amnistie pour la libération des détenus politiques et le retour au pays des exilés politiques.
Justification
1°- L'abrogation des deux lois régissant les prochaines élections législatives. Cela fait consensus si l'on veut des élections inclusives devant se dérouler dans les délais constitutionnels. Car il est interdit par des dispositions de la CEDEAO de procéder à des retouches à des lois électorales à moins de 6 mois des élections. La seule solution, si l'on ne veut pas procéder à des tripatouillages constitutionnels et opportunistes inadmissibles, c'est le retour aux anciennes lois en attendant de revoir les choses une fois ces élections passées.
2°- L'abrogation des lois crisogènes est incontournable si l'on veut des élections consensuelles : Car bon nombre de lois, telles la loi portant Code pénal et la loi portant Code numérique, contiennent des dispositions attentatoires à la liberté de réunion, à la liberté de manifestation et à la liberté d'expression surtout en période électorale. Il faut les abroger.
3°- L'abrogation de la loi portant création de la CRIET est directement liée à la nécessité de la prise d'une loi portant amnistie au Bénin.
Si comme le déclare le Président Talon qu'il faut que « les élections soient de même nature de même qualité, de même convivialité que ce qu'on a connu jusque-là », on sait que les élections législatives et communales de 2015, puis présidentielles de 2016 se sont déroulées dans la convivialité sans qu'il n'y ait des chasses à des citoyens jetés en prison ou contraints de s'exiler pour des raisons politiques. Mieux actuellement, des députés dont le mandat du peuple court encore, sont contraints de s'exiler sous pression de poursuite politique. Le Candidat aux présidentielles de 2016, arrivé 3ème au premier tour, est dans le cas de l'exil ; sans oublier un ancien ministre et un ancien maire d'une cité et non des moindres. Imagine-ton d'élection conviviale lorsque le Secrétaire Exécutif National d'un Parti comme FCBE est au dehors et exclu de vote, lorsque le Président d'Honneur d'un Parti comme USL est interdit de séjour au Bénin ; lorsque le Chargé de Communication du PCB, Organisateur Principal de FSP est en prison ? Certainement pas.
Il est inconcevable d'avoir aujourd'hui des élections « conviviales », sans la prise d'une loi d'amnistie permettant la libération de METONGNON Laurent et de ses coaccusés, de Korogone etc. Il ne peut y avoir convivialité électorale si les Députés DJENONTIN, CODJO, si l'ancien ministre KOUTCHE et l'ancien maire Léady SOGLO ne sont pas autorisés à retourner libres au pays pour participer à ces élections. Il ne saurait y avoir élections inclusives si AJAVON, condamné mais blanchi par une juridiction internationale pour laquelle le Bénin a fait option, n'est pas libre de retourner prendre part à cette grande et importante messe du peuple qu'est une élection législative.
Telle est la quintessence de nos propositions.
Tout en vous souhaitant bonne réception des présentes propositions, avec l'assurance que vous prenez la mesure de l'enjeu en cours, je vous prie de croire, Monsieur le Président de l'Assemblée Nationale, en l'expression de mes sentiments déférents et patriotiques.
Cotonou, le 10 mars 2019.
Philippe NOUDJENOUME