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Main tendue du chef de l'Etat à la classe politique
L'opposition refuse le dialogue


Comme annoncé, le Chef de l'Etat béninois, Patrice Talon s'est adressé à la Nation dans un discours sobre lundi 20 mai. Une occasion pour lui de tendre la main aux forces de l'opposition pour le début d'un dialogue autour des réformes querellées et celles à venir. Désormais, les yeux des populations sont tournés vers l'opposition, qui malgré ses frustrations et envies d'en découdre exprimés hier mardi dans une déclaration lue par Eric Houndété, devra à un moment donné s'asseoir à la table des négociations pour un dialogue constructif. Et ce, en attendant les précisions sur la période, le cadre, le médiateur et le lieu de ces assises.
Que fera l'opposition béninoise face à la main tendue du président Patrice Talon ? La question se pose depuis que le président de la République a annoncé dans son discours, vouloir inviter très prochainement la classe politique pour des « échanges directs, francs et constructifs au profit de notre bien commun le Bénin ». Mais les réactions des opposants après le discours du chef de l'Etat montrent que visiblement leur colère a du mal a passé. Lisant une déclaration commune de l'opposition mardi 21 mai, l'ancien vice-président de l'Assemblée nationale Eric Houndété a fait savoir que l'opposition continuera à se battre jusqu'à récupérer l'Assemblée nationale. Il est donc à craindre de nouvelles manifestations de rue de l'opposition. Le parti USl du magnat de la volaille Sébastien Ajavon a aussi réagi en pointant du doigt certains points de l'action du président de la République, qui pour eux ne favoriseraient pas le dialogue, notamment la composition actuelle de l'Assemblée nationale. Mais le Chef de l'Etat dans son discours a déjà levé un coin de voile sur la teneur du dialogue qu'il pense amorcer avec toute la classe politique. Il a, en effet reconnu dans son adresse à la Nation les difficultés résultant de la mise en oeuvre de la réforme du système partisan et du code électoral, qui ont eu pour corolaire l'absence des partis d'opposition aux dernières élections législatives. Ces partis n'ont pas pu franchir pour la plupart, l'étape des formalités administratives au niveau du ministère de l'intérieur et les autres n'ont pas pu satisfaire aux conditions édictées par le nouveau code électoral. La non-participation de ces partis aux élections, a faut-il le rappeler engendré des contestations de la part des opposants et aussi des violences électorales inédites dans un pays comme le Bénin habitué à organiser des élections sans heurts depuis 1990. Après donc l'élection des députés et l'installation de la nouvelle assemblée qui a commencé a fonctionné depuis l'élection des membres de son bureau, la sérénité et une accalmie relative semble s'installée dans le pays. Le chef de l'Etat profite donc de ce moment pour manifester sa volonté d'ouvrir un dialogue franc et constructif avec les partis d'opposition afin que les travers de la mise en oeuvre de ces nouvelles lois soient revus et corrigé. Ainsi donc dans son discours, Patrice Talon invite-t-il le nouveau parlement « tout particulièrement à rassurer l'opposition politique en procédant à la relecture responsable de la Charte des partis et du Code électoral, pour les actualiser en tenant compte des réalités de l'évolution de notre pays ». Toute chose qui coïncide avec les demandes de l'opposition même si cette dernière reste collée à des revendications de principe telle, la non reconnaissance du nouveau parlement ou encore les appels à sa dissolution. La balle est donc plus que jamais dans le camp des partis de l'opposition béninoise à qui Patrice Talon offre l'occasion de dialoguer, de poser leurs problèmes afin que des propositions soient faites à la nouvelle assemblée nationale pour légiférer dans le sens du compromis politique qui pourrait sortir de la session de dialogue. Mais cette opposition reste belliqueuse, et prête à en découdre si l'on s'en tient à la déclaration lue par Eric Houndété ce mardi. Et pourtant tous les griefs que porte l'opposition à l'encontre de Patrice Talon devront un jour ou l'autre se régler autour d'une table de négociation. Le refus exprimé ne fera qu'exacerber les tensions. REPUBLIQUE DU BENIN MESSAGE A LA NATION DE S.E.M. PATRICE TALON PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE DU BENIN CHEF DE L'ETAT, CHEF DU GOUVERNEMENT SUITE AU PROCESSUS ELECTORAL D'AVRIL 2019 Cotonou, Présidence de la République Le 20 mai 2019 à 20 H Mes chers compatriotes, Le processus électoral relatif à la 8ème législature de notre pays vient de s'achever. Il aura été l'aboutissement d'une réforme majeure, difficile, à la fois souhaitée et redoutée : la réforme du système partisan. Cette réforme était souhaitée parce qu'elle était attendue de vieille date, autant par les citoyens, la société civile, que par les acteurs politiques, pour redonner confiance aux uns et crédibilité aux autres, quant à l'importance de l'impact du système partisan sur la qualité de la gouvernance du pays. Elle était redoutée parce que, inévitablement, elle remettrait en cause les acquis des acteurs d'un multipartisme débridé que nous avons cultivé depuis bientôt 30 ans, et qui est la cause principale d'une mauvaise gouvernance, source de notre sous-développement. C'était donc en soi une réforme risquée. Fallait-il l'engager au risque de générer toutes controverses ? Fallait-il, au contraire, y renoncer, la renvoyer sinon à plus tard, du moins aux calendes grecques, alors que l'impérieuse nécessité d'accélération du développement socioéconomique de notre pays en dépend aussi ? Mes chers compatriotes, Depuis trois ans, convaincu que nous ne pouvions continuer à nous satisfaire de notre situation critique à bien des égards, je vous ai invités à l'effort et vous ai engagés sur la voie de réformes indispensables à notre développement. Elles paraissent parfois impossibles, inopportunes, mais sont nécessaires au progrès. Elles sont difficiles, oui, mais à force de courage nous les réussissons progressivement et nous finissons par en reconnaître la pertinence et l'opportunité. Les résultats déjà obtenus sont évocateurs à plus d'un titre. Je n'ai jamais eu de cesse de les considérer comme des victoires collectives, car je sais la part importante que chacun de vous y prend. Je sais quels sacrifices chacun consent. Notre pays n'a, en réalité, pas d'autre choix. Il est tenu et doit se révéler à lui-même par la rigueur dans la gestion et la soumission à ses lois. En cela, la classe politique a un rôle majeur à jouer et doit servir de modèle. C'est mû par cette conviction et porté par cette foi fervente que j'ai soutenu l'initiative de la réforme de nos pratiques partisanes et électorales, rassuré qu'à force de persévérance dans l'action, nous parviendrons à des résultats durables. Cette réforme, je la savais délicate. Je sais cependant qu'elle est nécessaire à notre progrès économique et social durable, car, si nous ne risquons rien, nous n'aurons rien de mieux. J'avais conscience que parce qu'elle a vocation à bousculer nos acquis et habitudes, à ébranler nos certitudes, cette réforme occasionnerait des querelles politiciennes. 6 Nous nous y sommes courageusement engagés mais certains d'entre nous n'ont pas su faire preuve de sagesse, de mesure et de patriotisme. Leurs actions ont été d'une violence inédite. Cette épreuve-là, autant elle aura été rude, autant elle devra nourrir la naissance d'un nouvel idéal. En effet, nos incompréhensions, nos heurts, nos contradictions et même nos dérapages ne doivent pas avoir pour conséquence de nous ancrer dans l'immobilisme et dans nos travers. Tout ce qui nous est arrivé doit être utilement mis au crédit d'une crise de croissance de notre processus démocratique. Car, si personne ne conteste la justesse du diagnostic qui a conduit à la réforme du système partisan, peut-être n'étions-nous pas suffisamment préparés pour franchir cette étape. Aussi, n'importe-t-il pas très peu de chercher à savoir qui a raison ou qui a tort ? Ainsi que je l'ai dit le 27 décembre 2018 devant l'Assemblée nationale, lors de mon message sur l'état de la nation, ce qui est attendu de nous, ce n'est pas d'avoir raison individuellement, mais plutôt collectivement, historiquement, en tant que peuple, en tant que nation. Mes chers compatriotes, C'est le lieu pour moi, au nom de la nation tout entière, de déplorer que pour une controverse parmi tant d'autres, pour quelques frustrations inhérentes à la vie en communauté et aux mutations profondes, nous ayons pu en arriver à une telle manifestation de violence. Cela est très regrettable. Davantage parce que nous avons dû perdre des vies humaines. Ma tristesse est immense et je présente ma profonde compassion aux familles éplorées. De même, j'ai une pensée affective pour les agents des Forces de Défense et de Sécurité agressés ou blessés, et je salue leur sens du devoir et du sacrifice au service de la République et pour la protection des personnes et des biens. Je n'oublie pas ceux qui ont perdu des biens de toutes natures. En somme, notre pays aura payé un lourd tribut et cela ne doit plus jamais se reproduire. Cette épreuve-là, elle doit nous unir davantage et nourrir notre marche vers le développement. C'est pourquoi je remercie chaleureusement tous ceux qui, individuellement ou collectivement, ont oeuvré au retour de la paix. C'est aussi là la preuve que nous sommes un grand peuple, le peuple du Bénin, capable de surmonter nos difficultés. Ainsi sommes-nous restés unis face au drame survenu le 1er mai dernier dans le parc de la Pendjari, avec la mort d'un de nos compatriotes et l'enlèvement de deux touristes français libérés plus tard sur le territoire voisin du Burkina Faso au sacrifice de deux officiers français. Notre indignation collective est profonde. Elle n'est ni de l'Opposition, ni de la Mouvance. Elle n'a pas de religion et n'est d'aucune région. Elle est simplement celle du Bénin tout entier. Je veux ici, au nom de tous, rendre un vibrant hommage à notre compatriote assassiné, aux soldats français tués, et saluer la libération des deux touristes. Je veux surtout vous rassurer qu'en attendant les résultats des enquêtes, mon Gouvernement a promptement pris la mesure de la situation. C'est pourquoi, bien que le parc soit déjà aux normes internationales grâce au savoir-faire de notre partenaire African Parks, nous avons décidé de renforcer davantage le dispositif de sécurité aussi bien en effectif qu'en moyens logistiques ultra modernes. Ceux-ci seront mis en place à très court terme. Mes chers compatriotes, Des difficultés, il y en aura sans doute encore sur notre parcours, pour rythmer notre quête légitime de progrès et éprouver notre détermination à y parvenir. Mais comme à chaque fois, nous saurons puiser en nous les ressources pour être à la hauteur des attentes. A ce propos, je voudrais inviter le nouveau Parlement qui vient de se doter de son bureau, à se mettre résolument au service du Bénin entier. Je l'invite à jouer son rôle avec panache pour démentir les suspicions légitimes qui ont pu naître à son égard et apaiser les craintes qu'il suscite. Il doit, au nom du peuple, voter des lois qui renforcent la démocratie et soutiennent le développement socioéconomique, procéder au contrôle méthodique et rigoureux de l'action du Gouvernement pour l'amener à faire mieux et toujours plus au service de l'Etat et des populations. Je l'invite tout particulièrement à rassurer l'Opposition politique en procédant à la relecture responsable de la Charte des partis et du Code électoral, pour les actualiser en tenant compte des réalités de l'évolution de notre pays. Il devra en être autant pour la loi portant statut de l'Opposition, afin de lui créer les conditions les meilleures pour sa libre expression, l'accomplissement de son rôle démocratique dans les formes indiquées et, en définitive, pour sa contribution au développement économique et social de notre pays. Conscient que nul ne devra manquer au chantier de construction de notre pays, j'inviterai très prochainement toute la classe politique pour des échanges directs, francs et constructifs au profit de notre bien commun, le Bénin. D'ores et déjà, je veux ici vous redire, chers compatriotes, ma détermination à bâtir avec vous, notre société dans laquelle la démocratie sera plus que jamais un réel instrument de développement socioéconomique, où chacun est libre de ses opinions mais responsable de ses actes, et où les lois sont les mêmes pour tous. Une société de plus en plus moderne où chacun, au service de la communauté, dans la sphère d'action qui est la sienne, n'a qu'une seule obsession : faire grandir le Bénin chaque jour un peu plus. Vive le Bénin, Je vous remercie.


Edith GAGLOZOUN
 
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